Terminé et platiné (ce qui est plutôt rare chez moi).
Avis sans spoil.
Ca faisait un bail qu'un jeu ne m'avait pas absorbé comme ça. Depuis Elden Ring en fait. Et pourtant, j'étais un peu sceptique vis-à-vis de la hype et du côté franchouillard (qui est finalement distillé par touches, à part dans le prologue où ça met la max). La grande force du jeu, c'est la liberté que se sont accordé les devs. Ils ont fait un jeu parce qu'ils voulaient en faire un. Ils ont fait LEUR jeu. Et ça se sent. A aucun moment je ne me suis dit "Tiens, là ils essayent de cocher des cases pour que ça se vende".
Le scénario est prenant, intriguant. On se sent souvent un peu perdu, mais le jeu parvient à nous garder dedans, à nous donner envie d'en savoir plus, notamment grâce à son écriture. Celle-ci est vraiment qualitative (même si parfois inégale) et je n'ai jamais eu envie de zapper une cinématique. Les persos portent leur propre histoire et la grande histoire. On s'y attache vraiment (pour la plupart). C'est clairement une des forces du jeu. Le ton est très souvent mélancolique, dramatique, désespéré, mais le jeu s'autorise quand même quelques touches d'humour décalées qui marchent bien, là encore grâce à des persos/situations bien foutues. Je mettrai en spoil ma seule réserve concernant la partie scénario/écriture.
Visuellement et techniquement, c'est assez mitigé. Le jeu brille par ses cinématiques et sa DA. Les couleurs et les lumières sont jolies. Certains plans foutent de belles tartes dans la tronche. Par contre, on sent que le studio est de taille modeste. La patte Unreal 5 est un poil trop présente. Je pense qu'avec plus de moyens, ils auraient pu bosser sur plus d'assets et in fine obtenir un rendu qui correspond plus à leur vision artistique. On se retrouve avec des décors qui ont leur personnalité d'ensemble, mais qui tendent à être assez monotones au sein d'une zone, au point parfois qu'il en résulte des difficultés à se repérer. Par ailleurs, les animations de déplacement sont clairement à l'ouest. Mais ces petits défauts passent finalement au second plan tellement le jeu est prenant.
Le travail sur le son est top, malgré quelques bugs (musique qui se coupe sans raison, niveaux sonores très ponctuellement inégaux). Les effets sonores marchent extrêmement bien en combat, que ce soit pour faire ressentir les coups ou pour donner des indices concernant le timing des attaques ennemies. La zik est selon moi fantastique. Plein de thèmes différents, dans des styles très divers. Après il est possible que certains la trouvent too much et parfois "à côté". Personnellement, j'ai adoré. Elle rajoute clairement à l'émotion, au côté épique, triste, nostalgique ou décalé.
Manette en main, le jeu marche très bien. Finalement, chaque élément n'a rien de révolutionnaire, mais le tout est extrêmement plaisant. Pourtant, je ne suis pas un énorme fan de RPG au tour par tour. Les mécaniques propres à chaque perso sont intéressantes et on se creuse la tête pour faire le meilleur build possible, avec de bonnes synergies. Le jeu est épuré de pas mal de trucs qui polluent un peu l'expérience dans pas mal d'autres RPG (notamment les consommables, réduits au strict nécessaire). Pas de fioritures, l'objectif est d'aller droit au but, de taper fort, et de ne pas se faire démolir par les mobs. Ces derniers cognent dur, il est donc presque impératif d'apprendre à maîtriser le système de défense dynamique, notamment pendant les deux premiers tiers du jeu, où il n'est pas encore trop possible de péter les builds. Ca peut être un point bloquant pour pas mal de monde, mais là encore, c'est la volonté du studio de faire un truc qui les fait kiffer et pas un système tiédasse pour attirer le plus grand nombre. Côté exploration, c'est très basique dans les donjons, et finalement pas très intéressant, car le level desing est plus que convenu. A l'extérieur des donjons, c'est très plaisant et nostalgique, mais je n'en dis pas plus.
Parmi les points vraiment à revoir j'ai notamment relevé l'impossibilité de recommencer un combat instantanément, alors qu'on crève quand même un bon nombre de fois en tentant d'apprendre les patterns des mobs/boss. Il y a une technique alternative pour pallier un peu ce problème et ne pas avoir à refaire le chemin vers le fight (même si de toute façon, le checkpoint n'est jamais bien loin), mais ça aurait été bien d'avoir cette option en cas de défaite. Par ailleurs, le menuing est infernal. Le jeu propose un système intéressant qui repose sur de nombreux passifs qui invite le joueur à expérimenter pour trouver les meilleurs combinaisons en fonction de son perso et de son build. Sauf qu'il est tellement pénible de naviguer dans ce menu qu'on devient réticent à tester ce que le jeu nous propose, car l'UI est à l'ouest. Vraiment regrettable, mais je suppose que c'est aussi la conséquence de la taille du studio. La caméra peut également s'avérer très ponctuellement problématique en combat, en nous empêchant de lire une attaque adverse. C'est quand même très rare. Enfin, les phases de plate-forme sont foireuses, et j'ai presque l'impression que c'est volontaire.
Bref, j'ai été totalement happé dans l'univers et j'ai pris mon pied. J'aime également le message envoyé à l'industrie. On verra si ça lance une nouvelle tendance de retour en force des AA plus passionnés et créatifs, en faisant des AAA des exceptions et non des modèles à copier.
SPOILER FIN DU JEU
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J'ai vraiment adoré le scénar de bout en bout, mais je me demande si je n'aurais pas encore plus préféré que le jeu s'arrête à la fin de l'acte 2, avec le gommage total de Lumière. Ce côté "On a réussi, on est des héros ! Ah en fait non, pas du tout" me plaisait beaucoup. Néanmoins, la suite du jeu permet de mieux introduire la petite histoire (de famille) qui fait naître la grande histoire du jeu (tout ce qui se passe dans le tableau), sachant que la petite histoire a elle-même l'air d'être la conséquence d'une autre grande histoire (la guerre entre peintres et écrivains), qui me donne envie d'en savoir plus.
J'ai beaucoup aimé également que les intentions de tous les protagonistes sont justifiées par leurs douleurs respectives et leur façon de la vivre, nées d'un même drame. La fin "Maëlle" est vraiment secouante à ce titre.