Légendaire tant pour son histoire que pour son ambiance et sa bande son, Silent Hill 2 fut en son temps l’une des meilleures démonstrations du processeur Emotion Engine et de la technologie sonore S-Force 3D de la PS2. Porté par la suite sur Xbox avec en exclu le chapitre préquel Born from a Wish, il revint avec ledit bonus sur la console la plus vendue de l’histoire en version Director’s Cut. Cette même version qu’on retrouve dans la décriée HD Collection de Hijinx Studios aussi délavée que nette, le brouillard si caractéristique à la série ayant pratiquement disparu dans cette réédition. Alors comment (re)jouer à ce chef-d’œuvre intemporel dans les meilleures conditions de nos jours ? Il semblerait que la question ait trotté dans l’esprit de l’éditeur qui officialisa en octobre 2022 l’existence d’un remake chapeauté par le développeur polonais Bloober Team. Déjà connu pour son travail efficace sur Layers of Fear, Observer et Blair Witch, le studio a d’abord déçu avec les premiers aperçus du projet pour finalement convaincre presse et joueurs maintenant que le jeu complet est sorti le 8 octobre dernier sur PlayStation 5 et PC. Ce test arrivant un peu tard, ce n’est plus un secret : le remake est excellent et s’est déjà écoulé à un million d’exemplaires en trois jours.
Dépressifs s’abstenir
Quand James Sunderland reçoit une lettre de sa femme Mary lui demandant de la retrouver dans la bourgade de Silent Hill, dans leur « petit coin à eux », notre bellâtre prend sa voiture sans trop se poser de question. Ce n’est qu’une fois sur place, face au miroir crasseux de toilettes publiques qu’il se demande ce qu’il fout là, sachant que son épouse est morte depuis trois ans… Qui a bien pu lui envoyer cette lettre ? Et pourquoi ? Se pourrait-il vraiment que Mary soit encore en vie ? Ce pitch qui ressemble à une creepypasta n’est que la partie visible de l’iceberg scénaristique qui vous plongera dans les profondeurs torturées de l’âme humaine. S’affranchissant de certains tabous, la trame aborde des traumas réservés à un public adulte, cachant la noirceur de certains personnages dans la subtilité d’un dialogue ou d’une note posée en apparence négligemment par là. Bienvenue dans une version très personnelle de l’enfer, à façonner selon vos actes puisque le jeu comporte plusieurs fins, dont deux inédites s’ajoutant aux six de base, pour lui assurer une excellente rejouabilité en mode New Game + (avec armes et objets inédits). La partie additionnelle avec Maria dont on parlait plus haut est – pour le moment – absente de cette version et fera probablement l’objet d’un DLC ultérieur.
Entièrement refait à l’aide du moteur Unreal Engine 5, la réalisation graphique connaît un important saut qualitatif. La modélisation des humains et créatures est plus réaliste que jamais, le brouillard volumétrique est à couper au couteau, les effets météo comme les flaques de pluie et leurs reflets sont saisissants, les textures sur les écorces des arbres, les peintures craquelées, la rouille, la moisissure, les feuilles mortes qui volent au vent, la lumière de la lampe torche...tous ces petits détails donnent à la refonte un aspect moderne très agréable à l’œil. Un mode qualité pousse la résolution et le ray tracing un peu plus loin au risque de peser sur le nombre d’images par seconde. Le mode performance s’avère globalement plus fluide et stable à quelques décrochés près. Avec l’arrivée imminente de la PS5 Pro, ce ne sera de toute façon bientôt plus un problème.
Au-delà de l’aspect visuel, ce remake cède aux sirènes de la caméra à la troisième personne comme l’a déjà fait celui de Resident Evil 2 avec le succès qu’on lui connaît. Terminés les angles de vue fixe, la caméra est plus libre, certes, mais dans un jeu qui privilégie (au moins au début) les combats au corps-à-corps, les affrontements dans des couloirs exigus deviennent vite illisibles. C’est brouillon, parfois pénalisant, tant les ennemis échappent à notre regard, coincés dans un angle mort de la caméra sans doute trop proche et gênée par les murs. Heureusement en extérieur dans les rues de la ville cet écueil est moins perceptible, tout comme lors des exécutions à l’aide d’armes à feu, quand on revient à une visée à l’épaule plus gérable. Les errances de la caméra sont d’autant plus remarquées dans ce remake que celui-ci multiplie les ennemis bien au-delà ce qu’offrait son modèle. On suppose que la modernisation rime avec action et une surpopulation de monstres pas toujours nécessaire. Il faut dire aussi que le studio a vu les choses en grand en densifiant l’aire de jeu, avec beaucoup plus de lieux à visiter pour une durée de vie qui prend 50 % de temps en plus pour voir le générique, passant d’une dizaine d’heures d’angoisse en 2001 à une grosse quinzaine en 2024.
The sound of silence
Mathématiquement, plus on passe de temps à Silent Hill et plus on croise d’opposants donc plus on a l’impression de vider chargeur sur chargeur. Avouons tout de même que parfois l’extension ressemble davantage à du remplissage pas forcément nécessaire là où l’œuvre originale allait à l’essentiel sans se perdre dans des détours inutiles et poussifs. La narration paraissait alors mieux maîtrisée bien que ce remake soit toujours extrêmement fidèle au scénario de monsieur Hiroyuki Owaku. Aucun PNJ ne manque à l’appel, les cut-scenes, entièrement refaites, sont toutes présentes et on s’amuse à anticiper des moments clés qui nous sont restés en mémoire. Un bon point.
Ce penchant pour l’action se traduit par quelques modifications de gameplay, à commencer par la présence d’une esquive plutôt lourde à l’aide du bouton rond, qui s’avère bien peu pratique dans les endroits engoncés et tout juste praticable en extérieur. Comme si les développeurs savaient d’avance qu’on allait morfler, l’utilisation de soins (boisson revigorante et piqûre curative) se fait directement depuis un raccourci (bouton triangle) sans passer par l’inventaire. Même chose pour le passage d’une arme à feu à une arme de contact qui se fait naturellement en pression la gâchette sans viser. Très pratique pour achever les ennemis vacillants ou les terminer à coups de pieds. Malgré quelques petits bugs de collision par-ci par-là (et corrigeable à l’aide d’un patch), le gameplay s’avère relativement convaincant dans cette nouvelle orientation musclée.
Le reste du jeu oscille entre exploration et résolution d’énigmes avec un côté toujours aussi retors, tellement alambiqué parfois que les puzzles ont leur propre mode de difficulté au même titre que les combats. A ce titre les options regorgent de paramètres de personnalisation, de la colorimétrie au viseur en passant l’affichage dynamique des munitions et des dégâts. Les features propres à la console de Sony sont très bien exploitées avec par exemple un son 3D très enveloppant au casque ou les bruits de la radio qui sortent directement sur le haut-parleur de la manette. Jumpscares garantis ! L’immersion est un point fort, mêlant sursauts réguliers (il y a souvent un ennemi planqué là où on ne l’attend pas) et montée progressive en tension et en peur, surtout après l’apparition de Pyramid Head. Les amoureux de sensations savent qu’il faut impérativement y jouer de nuit et au casque pour en tirer la substantifique moelle. C’est aussi au casque qu’on profitera pleinement des compositions d’Akira Yamaoka toujours aussi mélancoliques et inoubliables…
Tonio_S
Par contre ouais la camera à l’épaule dans les zones exiguës rends le corps à corps brouillon, mais ca augmente aussi ma tension quand tu passes une porte
J’ai eu un bug d’un mannequin dont le script s’est pas activé et qui était immortel, cette angoisse
Leolio
Pour les passages superflus je ne peux pas entièrement juger ( je dois être à la moitié), mais c'est vrai que se taper la plupart des lieux dans les 2 mondes n'était pas forcément nécessaire.
Tonio_S
Je pense pas avoir la force mentale de renchainer une nouvelle partie pour quelques secondes de cinématiques
Le Rouge
Tonio_S