Test Ninja Gaiden 4
Plus de dix ans après la sortie du dernier épisode en date (et encore, c’était le mauvais spin-off Yaiba : Ninja Gaiden Z contre des zombies), la licence culte Ninja Gaiden revient en force cette année. Dans un premier temps avec l’excellent jeu de plateforme / action 2D Ninja Gaiden: Ragebound réalisé par The Game Kitchen et édité par Dotemu cet été. Et ensuite avec ce véritable quatrième volet financé par Xbox Game Studios et réalisé par Platinum Games et la Team Ninja de Tecmo Koei. Un vrai retour en grâce ?
[Au moment de la rédaction de ce test, nous avons appris par un émouvant message posthume la mort de Tomonobu Itagaki, le producer des deux premiers Ninja Gaiden en 3D. Si cette nouvelle n’a eu aucune influence sur la notation, nous tenons à saluer l’héritage que cet homme laisse au monde du jeu vidéo.]
Le syndrome Metal Gear Solid 2
Débutée dans les années 80 sous le nom de Shadow Warriors en Europe, la série Ninja Gaiden a connu sa révolution 3D sur la première Xbox il y a plus de vingt ans. Reconnu pour le dynamisme de ses affrontements et sa difficulté corsée, cet opus donna lieu à une suite incroyable que certains considèrent comme le meilleur volet de la série, avant de décliner lentement avec un troisième opus décevant, un spin-off médiocre et tout un tas de rééditions, y compris au format de poche sur PlayStation Vita. Ce fut donc un petit miracle de voir le quatrième opus apparaître lors du Xbox Developer Direct de janvier dernier, avec en prime une version PlayStation 5 en plus des moutures Xbox Series et PC.
Historiquement chapeauté par la Team Ninja au sein de l’éditeur Tecmo Koei, ce grand retour attendu au tournant s’est fait avec le renfort de PlatinumGames, un des studios japonais les plus réputés en matière d’action à la troisième personne (Bayonetta, Metal Gear Rising Revengeance et Nier Automata, c’est eux). C’est donc sous deux bonnes étoiles que cette résurrection s’est préparée et symboliquement avec la présence de deux héros sur la jaquette. Si les anciens reconnaîtront immédiatement le vétéran Ruy Hayabusa, personne en revanche ne connaît le jeune Yakumo du clan des corbeaux, le véritable personnage principal de cette histoire. Ainsi, comme Hideo Kojima avait fait avec Raiden dans Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty, c’est à travers un nouveau protagoniste que la légende est mise en valeur. Rassurez-vous néanmoins, Ruy n’est pas Solid Snake et il sera bien jouable sur certaines séquences pour satisfaire (et surprendre) les nostalgiques.
Cette suite directe du troisième volet prend place dans un Tokyo futuriste sur lequel tombe en permanence une pluie de miasmes toxiques provoquée par la dépouille du dragon noir. Les premières couches de la ville sont déjà noyées, les autres s’empilent dans des logements de fortune. L’avenir s’annonce délétère si personne ne se décide à reprendre les choses en main Et devinez qui va devoir remettre de l’ordre là-dedans ? Exactement : vous. Inconnu jusque-là, ce Yakumo n’est pas un novice pour autant et semble maîtriser l’art du ninjutsu dès notre première mission : des attaques légères avec Carré, des attaques plus fortes avec Triangle, des jets de shirukens avec Rond et des sauts avec Croix. Le bouton Triangle chargé sert également à lancer un anéantissement imparable et à achever les ennemis démembrés. Comme les précédents volets, celui-ci est outrageusement violent, excessivement sanglant et abusivement gore. Voilà pour ce qui est des bases.
Ensuite notre ninja aura besoin de bloquer les attaques ennemies, d’esquiver les coups et de réaliser des parades mortelles avec R2. L2 de son côté est assigné aux attaques du corbeau sanglant, une manipulation temporaire de sang qui fusionne les deux katanas de notre gars en une puissante arme à deux mains à réserver aux moments critiques. De même, un mode Berserk en pressant les deux sticks (L3+R3) quand la jauge est pleine déchaîne notre colère pour retourner une situation en faisant un carnage. Notons également la présence d’un verrouillage de sa cible (L3), d’un raccourci d’inventaire via une roue de sélection en pressant L1, et d’un changement en temps réel des armes via les directions de la croix. Enfin, un grappin (devenant planeur dans les bourrasques de vent) est placé sur le bouton R1. Notre charismatique athlète est aussi un virtuose de la verticalité, pouvant courir sur les parois, sauter de mur en mur pour atteindre des hauteurs et réaliser des attaques tombantes depuis des hauteurs. Idéal pour éliminer silencieusement des gardes de l’Ordre du Dragon Divin sans alerter les autres. Le grappin est aussi sollicité durant ses séquences de glisse sur rail à la Ratchet et Clank un peu hors de propos mais qui ont le mérite d’apporter un peu de variété.
Ninja Kids
Déjà très bien fournie dès le prologue, la liste des coups ne fera que s’accroître en dépensant des points dans de nouvelles compétences de ninja et dans de nouvelles compétences d’armes. Pour les premières, c’est auprès de Tyran, le mentor du corbeau qui apparaît régulièrement dans les niveaux. On peut lui acheter de nouvelles compétences de combat, revoir des techniques de combat et s’entraîner pour mieux les assimiler. Pour les secondes, c’est directement depuis le menu contextuel qui permet de gérer aussi ses équipements (armes, accessoires, tenues), son inventaire et ses missions. En effet, de nombreuses missions secondaires (éliminer des cibles, récupérer des objets, attraper des bestioles...) peuvent être acceptées depuis des terminaux dans les niveaux, qui servent aussi de boutique pour acheter des consommables (santé, résurrection…). Et ceux qui en veulent encore plus pourront se ruer sur les arches de purgatoire, soit une succession de combats très difficiles à fortes récompenses pour lesquels on peut varier ses conditions de gains, en pariant sur le fait de sacrifier une partie de sa santé de départ pour remporter plus en cas de victoire. Le jeu offre ainsi de larges possibilités de personnalisation selon votre approche des combats et selon votre portefeuille.
Fidèle à sa réputation de hack and slash exigeant mais pas punitif, Ninja Gaiden 4 place la barre bien haut question difficulté avec des ennemis qui jouent toujours le surnombre et usent de coups en traître comme des attaques de lance-roquettes à distance. Par défaut le mode Normal a déjà de quoi abîmer quelques manettes de colère, mais ce n’est rien à côté de la rage du mode Difficile qui impose de maîtriser chaque combo, chaque parade, chaque esquive, chaque transformation pour en voir le bout. Les affrontements sont techniques, maîtriser les combos demande un certain apprentissage, mais exécuter ses cibles dans un ballet sanglant a quelque chose de jouissif. Et dire qu’il y a derrière un quatrième mode de difficulté (Master Ninja) bloqué au départ qui demande encore plus de précision et de stratégie… Le mode Héros, équivalent du facile, s’avère en revanche bien trop assisté pour être valorisant : les esquives, protections, soins et mises à mort s’effectuant automatiquement. Alors certes c’est stylé d’être le spectateur d’une jolie chorégraphie de mouvements, mais c’est nettement plus gratifiant d’en être l’acteur.
Puisqu’il faut parler technique, ce nouveau Ninja Gaiden tourne sous Unreal Engine et propose un sélecteur pour privilégier le taux d’affichage - capable de monter jusqu’à 120 images par seconde si on retire les limites de FPS et avec l’équipement adéquat – un mode clinquant qui favorise les graphismes et un mode exclusif à la PS5 Pro faisant le pont entre les deux. La frame-rate ici visé est le 60 images par seconde mais avec des graphismes supérieurs à ce que propose le mode performance. C’est évidemment celui-ci qui représente le parfait compromis pour les possesseurs de la console la plus puissante de Sony. Dans les trois modes le jeu est de toute façon d’une fluidité respectable, propre aux jeux PlatinumGames, même en présence d’un paquet d’ennemis et de gerbes de sang qui maculent l’écran. Bien que fragmentés par des portes ou des ascenseurs réguliers, les niveaux en couloirs s’étalent pas mal, mais il faut bien admettre que les décors sont en retrait avec un style trop souvent épuré, industriel voire aseptisé et des interactions réduites à des bris de caisses ou de barils. La production se rattrape sur la modélisation impeccable des personnages, en particulier pour les boss ultra-stylés (à immortaliser dans le mode photo) dont la présence s’accompagne d’une bande-son rock dynamique en diable. Les doublages anglais / japonais ne sont pas mal non plus.
Doté pour la première fois d’un mode entraînement permettant de se faire la main sur des ennemis, le menu principal contient également des archives avec les fiches des personnages, des ennemis et des lieux, un mode record avec des classements, un mode sélection de chapitre (après avoir terminé le jeu) pour refaire les niveaux avec Yakumo ou Ryu ainsi qu’un battle boss pour retourner au casse-pipe en variant les conditions. Autant de bonnes raisons d’y retourner avec force et honneur après avoir déjà sué sang et eau sur la grosse dizaine d’heures nécessaire pour le boucler une première fois.
Notre verdict
On aime
- Beau et fluide
- Optimisé PS5 Pro
- Des combats techniques
- Plein de combos à débloquer
- Des missions annexes
- Des boss stylés
- Deux héros charismatiques
On n'aime pas
- Les décors pas dingues
- Le scénario prétexte
- Les ennemis redondants
- Un petit côté répétitif, forcément
Après la débâcle du troisième opus qui condamna la série à l’hibernation durant plus d’une décennie, c’est un vrai plaisir de voir Ninja Gaiden renaître de ses cendres avec un quatrième opus généreux, de toute beauté et techniquement irréprochable. Avec son nouveau héros la série fait les yeux doux à un public de non-initiés pour qui le mode héros sera peut-être une alternative intéressante pour ne pas pester devant la difficulté parfois excessive. Mais attention, jouer avec trop de béquilles ne vous permettra pas de tirer la substantifique moelle de cette pépite réalisée par deux studios experts de l’action débridée.
Tonio_S