Test Final Fantasy XV

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PS4

Dix années ont passé depuis l'annonce de Final Fantasy Versus XIII, à l'origine un ambitieux spin-off aujourd'hui devenu un épisode canonique sous le titre de Final Fantasy XV. Dix années d'un développement discontinu durant lequel le jeu vidéo, lui, ne s'est pas arrêté, sautant le pas d'une génération dont la tendance est plus que jamais aux mondes ouverts. Pour la première fois dans la série, ce quinzième épisode tente le pari de l'open-world, dans la foulée des derniers jeux de rôle occidentaux à la Elder Scrolls, Dragon Age et The Witcher. L'attente, source de nombreux fantasmes, en valait-elle la peine ?

A nouvel épisode canonique, nouvel univers. Dans Final Fantasy XV, le monde d'Eos se partage entre le belliqueux empire de Niflheim et le petit royaume du Lucis, qui résiste tant bien que mal aux velléités de conquête de son voisin... Jusqu'à sa chute, inéluctable, narrée dans le superbe – mais creux – film d'animation et prologue Kingsglaive. Final Fantasy XV « Le Jeu » démarre, lui, peu avant ces tragiques événements, alors que Noctis, le prince héritier du Lucis, s'apprête à rejoindre l'Oracle Lunafreya pour sceller leur union et rétablir l'équilibre en Eos. Mais rapidement, son voyage est interrompu par la nouvelle de la chute du Lucis, après la dernière attaque de Niflheim. Avec le soutien de ses trois amis et conseillers, Gladolius, Ignis et Prompto, le jeune homme doit alors partir en quête des Armes Fantômes et des Six Élus (les divinités d'Eos), aux quatre coins du Lucis, afin de botter l'Empire hors de son royaume et reprendre sa place sur le trône. Pour une nouvelle épopée initiatique qui, finalement, ne sort pas beaucoup du cadre...

Au pays du WTF

Au-delà du classicisme évident de son intrigue, Final Fantasy XV surprend surtout par la brièveté de son aventure, pourtant censée s'étendre sur dix années de la vie de Noctis. C'est bien simple, en ligne droite, une petite vingtaine d'heures suffit pour voir le fin mot de l'histoire (plutôt touchant, au passage). Qu'importe la façon de jouer, que l'on s'attarde ou non sur les quêtes annexes, la trame du jeu est étonnamment courte pour un FF – canonique qui plus est – même si le rythme s'en retrouve forcément bien mené. Et malheureusement, ce constat témoigne aussi des coupes franches qui ont dû être consenties par les développeurs sur le déroulement de l'aventure, à force de réécritures... Pas vraiment pour le meilleur, d'ailleurs.

Si les premières heures de jeu font plutôt illusion en termes de cohérence, avec ce qu'il faut d'informations pour poser les enjeux de l'intrigue, les innombrables ellipses qui suivent ne trompent plus sur ce qui s'apparente assez vite à un réel désastre narratif, au prix de toute logique. La très relative détresse de Noctis lorsqu'il apprend la mort de son père, le roi du Lucis ? Passe encore... Mais que dire des chapitres suivants ? Un exemple concret, sans spoiler : un personnage secondaire rejoint Noctis et ses compagnons à Lestallum, comme une fleur, alors que deux chapitres plus tôt, il nous pressait de lui faire quitter la ville parce qu'il n'y était plus en sécurité depuis l'arrivée de l'Empire... Vous avez dit « logique » ? Plus que de simples incohérences dont on pouvait s’accommoder jusqu'alors dans la série, l'histoire de Final Fantasy XV affiche des trous béants – certains volontaires (coucou les DLC) – qui donnent lieu à un manque de liant flagrant entre les scènes. Le casting secondaire en pâtit nettement, avec des protagonistes qui disparaissent tout aussi vite qu'ils étaient apparus, parfois même sans avoir été réellement introduits. Certains auraient assurément mérité meilleur traitement, à commencer par Lunafreya dont le rôle se révèle, au final, étonnamment anecdotique.


A titre de comparaison, et même si sa grammaire singulière n'était pas des plus évidentes à apprivoiser à l'époque, le si décrié treizième volet avait bien plus d'égard envers son univers et ses personnages, en s'attardant un minimum sur leur histoire, leurs émotions. Dans Final Fantasy XV, rien de tout ça ; tout est expédié pour passer le plus rapidement à l'action suivante, sans jamais la remettre dans son contexte. A force de se répéter, ces manquements rendent cet épisode profondément indigeste, voire même absurde, très loin donc de son ambition initiale. On pouvait déjà regretter de Kingsglaive qu'il ne reste qu'en surface des nombreuses problématiques – politiques et même sociales – qu'il aborde. Alors qu'il en avait l'occasion et aussi le potentiel, le jeu, lui, ne développe absolument rien et ne se cantonne qu'à sa ligne directrice – la cavale de Noctis et ses potes – qu'importe ce qu'il peut se passer autour de nos héros. Cela pose fondamentalement un gros problème d'immersion, pourtant essentiel dans le cas d'un titre open-world.

Aspiré par le vide ludique

Car de chapitre en chapitre, on prend bien la mesure des difficultés rencontrées par les équipes de la Business Division 2 à intégrer le plus naturellement possible l'histoire – linéaire – dans le monde ouvert de Final Fantasy XV, une première dans la série. Comme évoqué un peu plus haut, les premières heures se déroulent plutôt bien : le royaume du Lucis émerveille et se découvre progressivement, de chapitre en chapitre, région par région ; l'aspect « road-trip » de l'aventure (camping sauvage, cuisine, sessions photo avec Prompto, etc.) fascine... Ce terrain de jeu ouvert semble alors tenir la route. Malheureusement, cette bonne première impression s'estompe une fois toutes les régions découvertes, un peu avant la moitié du jeu. Des murs invisibles en pagaille ; une conduite hyper assistée ; une seule véritable ville, de simples stations-services dénuées de vie, de caractère... On mesure alors très vite les limites de cet open-world, pas aussi vaste qu'escompté. Ces limites sont d'autant plus évidentes aujourd'hui que The Witcher 3 a depuis imposé un nouveau standard en matière de monde ouvert dans un jeu de rôle. Là encore, on aurait sans doute pu s'en accommoder si Final Fantasy XV avait proposé des activités annexes pertinentes, des sous-quêtes qui auraient permis de développer intelligemment son univers, son background... Au lieu de ça, le jeu multiplie les missions express sans intérêt, dans la pure tradition du J-RPG, entre chasse aux plaques d'identification et récupération de cargaison perdue. Vraiment assommant.

Le pire intervient au moment où l'histoire, vers sa moitié, impose à Noctis et sa bande de quitter la map et ce, jusqu'au terme de l'aventure (même s'il est possible d'y revenir par une petite pirouette scénaristique, à la fin des derniers chapitres). A partir de là, plus d'open-world mais une succession de couloirs et de donjons vite bouclés, qui renvoient aux heures les plus sombres de Final Fantasy XIII. Cette seconde partie, sur des rails, illustre à elle seule la profonde faillite des développeurs à faire cohabiter de manière organique narration et exploration en monde ouvert.

Des combats qui ont la patate

Si Final Fantasy XV présente tout un tas de défauts, détaillés depuis maintenant plusieurs lignes, il n'en reste pas moins une remarquable prouesse technique. Et qu'importent le clipping, l'aliasing sur cheveux, les éléments qui poppent un peu partout et le frame rate qui ne dépasse pas les 30 fps (à peu près constants) ; le soin apporté à la modélisation (bestiaire, nourriture, personnages) et le détail minutieux des animations forcent tout de même le respect. La caution nippone, en quelque sorte. Malgré nos réserves sur l'open-world, force est de reconnaître que le monde de FF XV est visuellement abouti et surtout, le théâtre de combats fluides, spectaculaires et virevoltants. Mention spéciale aux invocations qui, littéralement, défoncent tout ce que l'on avait pu voir jusqu'ici dans la série. Une vraie claque.


Mais le meilleur argument de Final Fantasy XV restera avant tout son système de combat. Pourtant, en attribuant une touche pour l'attaque (Rond) et un autre pour l'esquive (Carré), avec une automatisation des commandes par simple pression, on pouvait y craindre une simplification à outrance des codes de l'Action-RPG type Kingdom Hearts. Heureusement, manette en mains, il n'en est rien. Tout d'abord parce que l'on peut switcher à la volée entre quatre armes différentes, certaines étant plus efficaces que d'autres sur tel ou tel type de monstres (comme pour les magies élémentaires). Et aussi parce que Noctis, outre un arsenal varié, peut demander le renfort de l'un de ses partenaires pour lancer une attaque combinée ou une compétence de soutien, si la jauge d'action – qui se remplit au cours du combat – le permet. Reste la meilleure idée du jeu : l’éclipse (Triangle), qui permet, en un éclair, de se téléporter sur une corniche de la zone pour y récupérer des points de magie – que consomment l'esquive – et/ou prendre de l'élan pour effectuer une charge plongeante dévastatrice sur l'ennemi. Très dynamique, cette feature est réellement centrale dans le rythme des affrontements, en invitant le joueur à alterner entre instants de frénésie guerrière et brèves pauses tactiques. Le tableau n'est pas parfait pour autant : on peut citer pêle-mêle la caméra souvent déboussolée, la relative imprécision du ciblage, une légère inertie des commandes ou encore le manque de lisibilité de l'action, lorsque celle-ci devient trop chargée à l'écran... Malgré tout, ces accrocs n'entachent en rien le plaisir que procure le système de combat adopté par Final Fantasy XV, si bien qu'il finit par devenir le principal moteur dans la progression du joueur. Cela vaut surtout pour le post-game, avec de nombreux contrats de chasse visant des créatures souvent imposantes. Mais tout comme les quêtes annexes, les contrats imposent d'incessants aller-retours sur la map, puisque l'on ne peut pas en valider plus d'un à la foi, gâchant ainsi une partie du plaisir de la chasse. Entre autres soucis d'ergonomie...

Les gars sûrs

A son lancement, et malgré deux patches conséquents (une quinzaine de Go au total), Final Fantasy XV souffre également de problèmes de finition qui peuvent s'avérer assez handicapants. Il nous est ainsi arrivé de constater – trop tard – l'absence de deux acolytes restés bloqués dans une salle par le hasard des collisions, nous obligeant à terminer le donjon à seulement deux larrons... Il a fallu attendre d'arriver au boss et l'enclenchement d'une cut-scene pour les faire revenir, comme par magie. On a aussi rencontré, à plusieurs reprises, des problèmes de script qui ne s'enclenchent pas, nous empêchant ainsi de ramasser un objet, voire même de retourner à bord de la voiture (heureusement, le menu permet de le faire). Plutôt gênant, non ?

Vous l'aurez compris à la lecture de ces lignes, Final Fantasy XV présente de très nombreux défauts, majeurs et parfois même inédits pour la série. S'ils rendent l'expérience souvent frustrante, ils n'occultent pas complètement certaines fulgurances inattendues. On pense surtout au quatuor formé par Noctis, Gladiolus, Ignis et Prompto, tous bien plus attachants qu'on n'aurait pu le penser de prime abord. Si les quatre protagonistes correspondent tous à un archétype, facilement décelable à leur design, les nombreux dialogues qui émaillent leur « road trip » offrent une palette de nuances bienvenues, développant leur personnalité au-delà des seuls événements du jeu. Cette bonne impression se voit renforcée par l'excellent travail des doubleurs français, qui ont su retranscrire avec justesse la sincère amitié qui lie les quatre héros. Jamais too much, ce développement intimiste du groupe parvient parfois à compenser le « vide » entourant le quatuor et le manque global d'interactions avec son environnement. Il y est aussi pour beaucoup dans cette atmosphère « road-trip », si prenante pendant les premières heures de jeu. Malgré la multiplication des trajets, les premières escapades en Régalia restent ainsi gravées comme des moments de jeu vidéo assez uniques, parfois même empreints de poésie, selon le panorama. Car le royaume du Lucis livre aussi quelques vues qui valent le détour, tout particulièrement à certains moments de la journée où la lumière se montre d'un réalisme saisissant. Ajoutez à cela les merveilleuses compositions de Yoko Shimomura, plus quelques morceaux des anciens FF (à acheter dans les boutiques pour une bouchée de pain) pour faire vibrer la fibre nostalgique du fan, et vous aurez une petite idée de ces instants singuliers, qui échappent sans peine au cycle de frustrations qu'incarne bien malgré lui Final Fantasy XV. Comme quoi, il suffit parfois de peu de choses pour retenir l'attention...

Notre verdict

On aime

  • L'efficacité de tout l'aspect « road-trip »
  • Le quatuor de héros, très attachant
  • Les sublimes compositions de Yoko Shimomura
  • La richesse du bestiaire
  • Le système de combat, fonctionnel et spectaculaire
  • Les invocations qui tabassent
  • Les doublages français, très convaincants

On n'aime pas

  • Tout le cast secondaire négligé
  • La narration absurde, l'histoire tronquée
  • Pas mal de bugs ennuyeux (collisions, scripts...)
  • L'open world, déjà has been
  • Le manque de quêtes annexes pertinentes
  • Les trop nombreuses frustrations (ergonomie, exploration...)
  • Le sentiment persistant d'un potentiel sous-exploité...

Comme on pouvait le craindre, Final Fantasy XV ne sort pas indemne de dix années d'un développement discontinu, chaotique. Le jeu en porte aujourd'hui d'évidents stigmates, à commencer par un open-world hésitant et beaucoup trop limité en 2016. Cette structure – inédite pour un FF – n'est pas sans conséquence sur la narration, lapidaire, qui accouche au final d'une histoire sans consistance. Il y a aussi à redire sur la finition du jeu au lancement (ergonomie, bugs récurrents), qui s'ajoute à une longue liste de frustrations pour le joueur, fan comme « nouveau venu ». Des défauts majeurs pour cet épisode canonique, qui se rattrape toutefois par le dynamisme et l'efficacité de son système de combat, aussi accessible que plaisant à jouer. Restent enfin quelques fulgurances visuelles, de jolis instants de bravoure et d'autres moments plus authentiques – tout l'aspect « road-trip » – qui, s'ils ne balayent pas d'un revers de la main les attentes déçues, valent tout de même le détour.

Note finale : 7 / 10
Les commentaires
Le
Très bon test qui correspond bien à mon ressenti :jap:
Le
Excellent test steve, je pense tout pareil !
Le
Au final, si le jeu a 7/10 sur NeoPF, c'est cohérent avec le 6/10 de Gamekult, non ? :P
Le
C'est assez dur 6/10 pour eux quand même. 6/10 c'est pas brillant, 7/10 c'est honnête.
Le
Je préfère un site qui note 6/10 en argumentant (ce qui est le cas des tests GK en général) plutôt que lire des trucs de fanboys à coup de 18/20 complètement subjectifs et qui s'adressent à des ados.
Sinon autant se contenter de la fiche des jeux, 6/10 c'est pas non plus la honte.
Le
Chris a écrit :Je préfère un site qui note 6/10 en argumentant (ce qui est le cas des tests GK en général) plutôt que lire des trucs de fanboys à coup de 18/20 complètement subjectifs et qui s'adressent à des ados.
Sinon autant se contenter de la fiche des jeux, 6/10 c'est pas non plus la honte.
Idem et venant de GK ce n'est pas si mal :mdr:
Le
Chris a écrit :Je préfère un site qui note 6/10 en argumentant (ce qui est le cas des tests GK en général) plutôt que lire des trucs de fanboys à coup de 18/20 complètement subjectifs et qui s'adressent à des ados.
Sinon autant se contenter de la fiche des jeux, 6/10 c'est pas non plus la honte.
Exactement, mais on est trop habitués aux notes façon école des fans et Doritos.
Le
En même temps ça reste subjectif.

Pour moi Witcher 3 ne mérite pas plus de 5 ou 6... Comme quoi.
Le
On a beau dire ce qu'on veut, un test reste subjectif donc école des fans ou non, l'appréciation d'un jeu varie selon le joueur.

Je peux dire aussi qu'à chaque Zelda c'est l'école des fans, pour ma part tous les Zelda entre Majora's Mask et Link Between world ne valent pas la moyenne. Pourtant non, on ne va pas dire que c'est l'école des fans les testeurs (et on sait tous que la plupart doivent être des fans).
Les tests servent à se donner une idée, mais maintenant si on juge un jeu selon l'avis d'une personne (car beaucoup parle mais n'y ont pas touché) alors bravo la personnalité ;)

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