Test République
Lancé par une campagne Kickstarter avec pour ambition de proposer un titre AAA de qualité console sur smartphones et tablettes, le jeu d’infiltration République est allé jusqu’au bout de son raisonnement en sortant sur PlayStation 4. Disponible à partir du 25 mars en version physique et numérique pour moins de 30 euros, cette édition contient directement les cinq épisodes qui composent son histoire alors qu’il fallait les acheter séparément sur les autres supports. Surtout, le jeu bénéficie d'une remasterisation pour mieux coller à son support fixe et puissant.
Big Brother is watching you
L’histoire de République nous transporte dans une dystopie futuriste, dans un univers où un État totalitaire contrôle d’une main de fer les agissements de la population. A la manière du célèbre roman 1984 de George Orwell, un être omniprésent appelé le Directeur surveille le peuple et décide de ce qui est bon pour lui et de ce qui lui est interdit. La moindre déviance est sanctionnée par une peine d’emprisonnement et un recadrage en règle. C'est ce que va découvrir notre héroïne, la jeune Hope, dont la lecture d'un manifeste officiel annoté lui vaut une cinglante rééducation au sein d'un complexe du nom de Metamorphosis. Alors qu'elle est sur le point d'être corrigée elle prend le risque d'appeler du secours à l'aide de son téléphone portable. Celui qui décroche, c'est vous, le joueur. Hope s'adresse directement à nous, pensant que nous sommes un pirate informatique ultra-doué qui pourra la sortir de là, une sorte d'Anonymous Kenobi qui serait son dernier espoir. La fille ne s'adresse pas directement à nous en tant que joueur comme si elle était consciente de son statut de personnage de jeu vidéo donc pas de soucis pour l'immersion et la cohérence.
En acceptant de l’aider depuis notre position confortable mais distante, nous ne pourrons intervenir que sur les éléments technologiques qui l’entourent. Pirater les caméras permet de voir les emplacements des gardes et d’anticiper leurs déplacements, déverrouiller les portes à distance permet à Hope de mieux se faufiler, les verrouiller derrière elle empêche ses poursuivants de la traquer, éteindre les lumières la rend moins visible et écouter les conversations permet de glaner des renseignements et d’enregistrer les voix pour les serrures à reconnaissance vocale. Le joueur a clairement la position d'un Big Brother qui épie les faits et gestes d'autrui, une position qui est pourtant dénoncée par le contexte scénaristique du jeu. C'est assez paradoxal de critiquer une technologie mais en même temps de l'utiliser pour ses fins personnelles. Quoi qu'il en soit, le point de vue uniquement basé sur le système de caméra de surveillance donne un petit côté « télé-réalité » à cette production qui demande de jongler entre le stick analogique gauche pour les déplacements de notre personnage et le stick analogique droit pour celui de l'angle de vue sur son axe fixe. Qui dit caméra fixe dit angle mort et heureusement notre encapuchonnée se colore lorsqu'elle est cachée derrière un élément du décor pour ne jamais la perdre de vue. Il suffit d'ailleurs de presser L3 pour ramener le jeu à la caméra la plus proche d'elle.
Vive la République
Le changement de caméra n’est pas en temps réel pour ne pas se faire surprendre en plein mouvement puisque nous devons passer en vue « OMNI » pour sauter d’un appareil à l’autre et que cette vue informatique fige l’action quand elle est enclenchée. C’est également sous cette vue que se font les piratages, des crochetages numériques qui ne demandent qu'à presser une touche de la manette. Nous n'aurions pas été contre des petits puzzles pour approfondir le gameplay même si à la longue ils risquaient de devenir répétitifs tant les choses à bidouiller sont nombreuses dans République. A la place, le nombre d'objets piratables est limité par les trois bûchettes de la batterie du téléphone de Hope. On ne peut donc pas tout pirater à loisir, il faut recharger l'appareil mais aussi mettre à jour son firmware pour crocheter les serrures plus sécurisées nous imposant par la même occasion de nombreux allers-retours pour ouvrir des portes fermées en début de niveau (on comprend mieux la présence d'une carte en pressant Triangle). Scanner les décors à l'aide des caméras sert aussi à repérer, entre autres, des affiches, les passeports des gardes ou des documents : tout un tas d'informations à échanger ensuite à un contrebandier contre la position des soldats, des moyens de distraction de vigiles, des messages d'une boite vocale ou bien encore le trajet des patrouilles. De quoi vous aider à infiltrer Hope qui peut quant à elle se planquer dans les placards, ramper dans des conduits, faire les poches des gardes, les gazer avec des bombes au poivre ou les taser. De la bonne coopération en solitaire en quelque sorte, mais plutôt inoffensive dans l'ensemble : impossible de tuer un type, le niveau d'alerte retombe vite à la normale et en cas de capture on se fait juste emprisonner dans la cellule la plus proche pour en ressortir aussi sec. Anecdote amusante : en jouant les pickpockets on récupère parfois des disquettes de jeux vidéo prohibés qui sont en réalité de vrais jeux comme Shovel Knight, Destiny ou Gravity Rush. On a alors droit à des commentaires succulents de Cooper (un garde qui nous aide) à leur sujet.
Cette version PlayStation 4 de République, un jeu à l’origine pensé pour le contrôle tactile de l’iPhone, profite d’une maniabilité nouvelle avec des actions contextuelles bien visibles à l’écran. Il suffit de presser la touche en question pour réaliser l’action qui lui est assignée sur le moment. Rien de bien difficile même si on a parfois un peu de mal à s'y retrouver puisque tous les boutons sont sollicités et qu’ils n'ont pas les mêmes fonctions quand on est en vue OMNI ou quand on dirige directement notre chaperon gris. L'intelligence artificielle est heureusement (ou pas) très permissive, parfois à la limite de la surdité et de la cécité pour ne pas nous mettre trop de bâtons dans les roues lors des déplacements. La réalisation graphique a également connu une amélioration significative en passant à la version 5 du moteur Unity. Les décors tantôt froids (les couloirs gris) tantôt chaleureux (les intérieurs) bénéficient le plus de ces nouvelles textures et d'effets spéciaux plus réalistes (reflets, lumière, ombres) sans jamais pousser la machine dans ses derniers retranchements. Nous noterons ainsi des désagréables micro-chargements de 3-4 secondes à chaque changement de caméras éloignées, chose qui intervient des centaines de fois durant la partie et qui devient un peu pénible à la longue. L'aventure est proposée en intégralité (avec ses 5 épisodes) et agréablement mise en scène à l'aide d'extraits audio ponctués de cut-scenes durant lesquelles les personnages montrent des expressions faciales crédibles et une parfaite synchronisation labiale en version originale sous-titrée français. Des grands noms du doublage tels que David Hayter (Solid Snake) ou Jennifer Hale (Shepard version femme dans Mass Effect), entre autres, accompagnent des musiques dynamiques et immersives. Comptez environ trois heures par épisode et vous obtenez une durée de vie qui dépasse facilement la quinzaine d'heures pour une trentaine d'euros en numérique, un peu moins en boite en faisant jouer la concurrence. Une aventure assez copieuse donc, et qui a le mérite de monter en puissance d'un épisode à l'autre. Il est vrai que le début un peu mollasson n'est pas des plus engageants mais par la suite le scénario s'épaissit, allant de rebondissement en révélations. Il faut s'accrocher mais ça en vaut la peine.
Notre verdict
On aime
- Un univers travaillé et immersif
- De l’infiltration accessible
- Une bonne mise en scène
- Les 5 épisodes en boite
On n'aime pas
- De nombreux allers-retours
- L’intelligence artificielle sourde et aveugle
- Les micro-chargements entre certaines caméras
Déjà très impressionnant sur smartphones et tablettes, République ressort sur PlayStation 4 dans une version encore plus clinquante et surtout plus complète. Plus besoin d’attendre la sortie des derniers épisodes, ils sont déjà tous réunis sur la galette pour une trentaine d'euros. Ce jeu d'infiltration douce mêlant univers dystopique riche et critique de notre société de l'image fait mouche si on s'attarde davantage sur son scénario bien écrit et mis en scène que sur son gameplay un poil répétitif pétri d'allers-retours et desservi par une intelligence artificielle boiteuse. Nous venions pour le jeu, nous sommes restés pour l'histoire.
Pouet
Vincent
Mammago
Metatron