Test Little Big Adventure – Twinsen's Quest
Lancé en 1994 sur ordinateur en pleine vague de la French Touch aux côtés d’autres représentants comme Flashback et Another World, le jeu d’aventure Little Big Adventure est le second coup de maître de Frédérick Raynal après avoir créé le genre du survival-horror deux ans auparavant avec son Alone in the Dark. Point de peur cette fois, il est question de dictature, de rébellion et de prophétie.
« Pas mal non ? C’est français » (Orson Welles – La Classe Américaine)
Mon premier contact avec LBA remonte à 1997 lorsque le jeu d’Adeline Software fut porté sur PlayStation. Devancé par sa réputation d’excellence et sa provenance du monde PC, c’est avec un certain enthousiasme que je le découvrais chez mon ami Clément. De cette époque bénie je retiens du titre sa perspective en 3D isométrique faisant passer des décors en deux dimensions pour des zones ouvertes très agréables à l’œil. On ne pouvait pas en dire autant de la modélisation 3D assez grossière des personnages dont les arêtes anguleuses des polygones ressortaient bien. Malgré tout, l’ensemble avait un design cartoon sympa et le scénario promettait une épopée longue et épique. Je me souviens également de la gestion de l’humeur du personnage, associée aux gâchettes de la manette, qui le faisait alterner entre l’état normal, sportif, agressif ou discret avec autant d’actions possibles selon les situations. Enfin, j’ai en mémoire la prise en main pas toujours joyeuse, avec une inertie prononcée du perso lors des courses et des grandes imprécisions dans les combats, les sauts et les jets d’objets. Forcément, lorsque l’arrivée imminente d’un remake fut annoncée par l’éditeur Microids, ma curiosité fut piquée.
La petite grande aventure de notre héros Twinsen - dont la quête est dans le titre – prend place sur la planète imaginaire Twinsun, une sphère en suspension entre deux soleils (ce qui lui a valu son nom) dont l’équateur est une chaîne montagneuse glacée. Ce planétoïde est dirigé par le docteur FunFrock, le dictateur local dont les recherches sur la manipulation génétique, le clonage, la robotique et la téléportation sont pratiquées au sein d’un régime totalitaire inspiré des heures sombres de notre Histoire. La population est muselée et les opposants sont emprisonnés pour être rééduqués, comme c’est le cas de notre Quetch (l’espèce à laquelle il appartient) au tout début de la partie. Sa première mission sera alors de s’évader pour retourner chez lui retrouver sa sœur Luna. Dans la version originale, c’est sa fiancée Zoé qui lui servait de motivation à briser les chaînes de l’oppression. Par la suite la narration gagne vite en épaisseur, entre une histoire de prophétie familiale et de déesse à réveiller, le tout sur un fond politisé et culturellement référencé.
L’introduction de ce remake met en évidence un rajeunissement de la direction artistique n’étant pas sans rappeler le jeu Tearaway avec son effet patchwork fait de collages de morceaux de papier. D’ailleurs Twinsen hérite rapidement du cahier à dessins de sa sœur faisant office de journal de bord dans sa quête avec un trait crayonné très enfantin. Ce menu renferme aussi son inventaire contenant des artefacts, des équipements, des costumes et divers items ainsi qu’une carte du monde (Holomap) dont le zoom marque d’un point d’exclamation la destination cible. La part d’aventure du titre est assez confuse pour un titre de 2024, à l’heure où les joueurs sont habitués à être pris par la main. Les objectifs ne sont pas toujours limpides, nous obligeant à entamer le dialogue avec tous les PNJ pour nous aiguiller. Même avec une idée à peu près précise de ce qu’on doit faire, les allers-retours sont nombreux et assez poussifs. En bon fugitif, notre gars en toge bleue se fait tirer dessus à vue par les soldats alors il doit sans cesse fuir pour éviter les balles, quand ce ne sont pas carrément des liens lasers à tête chercheuse qui nous renvoient directement à la case prison. La barre de vie a vite fait de prendre du plomb dans l’aile, rendant indispensable la recherche de cœurs de santé puis de trèfles de vie pour l’augmenter.
Au bon goût d’antan
Au centre de l’histoire, les dialogues bénéficient de doublages français de bonne facture (je me souvenais encore de certaines répliques du début). Le compositeur original Philippe Vachey signe de nouvelles et très plaisantes musiques et la plupart des bruitages ont été conservés pour brosser les nostalgiques dans le sens du poil. En revanche, le système d’humeur n’a pas été repris, remplacé ici par des actions directement apposées sur les boutons. Ainsi la touche triangle sert à filer des gnons, le bouton rond à faire des roulades, la croix à sauter et le carré à réaliser une action contextuelle (parler, lire un panneau, fouiller…). Les rares moments de discrétion sont cette fois imposés par le contexte et la course se fait juste en pressant le stick de gauche. Je ne sais pas si c’est pour conserver le feeling original ou si c’est un loupé dans le développement, mais les affrontements sont toujours aussi hasardeux avec des enchaînements pieds / poings qui ne portent pas loin (voire carrément dans le vide) et dont les effets sur la cible ne sont pas très probants.
Même constat au niveau du jet de la balle magique que Twinsen récupère. La trajectoire a beau être cette fois bien visible à l’écran avec même deux effets différents, la projection est de courte portée et pas très intuitive. D’une manière générale, ce remake de Little Big Adventure souffre de pas mal d’imprécisions et de bugs en tout genre, que ce soit de collisions avec les décors (avec blocage du perso), d’intelligence artificielle (des ennemis qui ne réagissent pas aux coups de la balle), de sons (des bruitages qui bouclent) ou autres anomalies (des pages du cahier qui disparaissent, des actions lancées à la place d’autres, des boites de dialogue vides…). A l’heure actuelle il est clairement « dans son jus » des 90’s mais on suppose qu’il ne peut que s’améliorer progressivement avec des correctifs. En revanche, son intérêt général risque de ne pas se bonifier avec le temps. Si, il y a trente ans, le jeu faisait figure de référence en matière d’aventure, force est de constater qu’on a fait bien mieux depuis dans le genre. Des mondes réellement ouverts, des scénarios plus profonds, des dialogues plus riches et des situations bien plus variées se trouvent désormais à la pelle dans le catalogue PlayStation. Avouons-le, Little Big Adventure a pris un joli coup de vieux et il faut avoir découvert cette pépite française à l’époque pour que la nostalgie opère aujourd’hui avec ce remake. Rassurez-vous tout de même, la comparaison avec l’original est largement en faveur de cette refonte plus chatoyante (bien qu’au design différent), plus maniable sans le système d’humeur et plus facile d’accès avec sa sauvegarde automatique, et ses checkpoints.
Pour finir, sachez qu’une suite jamais sortie sur PlayStation existe bien mais qu’elle n’est pas comprise dans ce remake, et qu’un hypothétique troisième opus murmuré de longue date n’a jamais été officialisé. Cette production développée par le studio [2.21] est disponible sur le PlayStation Store sur PS4 et PS5 depuis le 14 novembre pour 29,99€. Une version boite contenant une tenue additionnelle, la bande son numérique, un artbook dématérialisé et un lenticulaire 3D sortira le 5 décembre à 39,99€.
Notre verdict
On aime
- Les doublages français
- Les musiques sympas
- L’abandon des humeurs
- La nostalgie fonctionne
- Une version boite à venir
On n'aime pas
- Les défauts de maniabilité conservés
- La nouvelle direction artistique peut déplaire
- Quelques bugs par-ci par-là
- Les objectifs pas toujours évidents
- Le gameplay a pris un gentil coup de vieux
- La suite inédite sur console toujours absente
A l’heure où la version originale de Little Big Adventure est introuvable sur le PlayStation Store, ce remake est l’unique façon de (re)découvrir l’odyssée de Twinsen. Dotée d’une nouvelle direction artistique colorée, d’un contrôle direct du personnage et d’une ambiance sonore de grande qualité, ce retour saura attirer les nostalgiques de la première heure. En revanche les curieux risquent d’être moins indulgents sur les imprécisions de la maniabilité (combats, jets de balle, sauts), les objectifs peu clairs et le gameplay qui a globalement pris un coup de vieux. Comme disait MC Solaar, « les temps changent ».
sophocle
Gui
Vincent
A noter que la version boite est proposée à 26.99 euros chez E.Leclerc.