Test Killing Time : Resurrected

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PS5

Jeu de tir en vue intérieure méconnu sorti sur 3DO en 1995 puis sur PC en 1996, Killing Time est une de mes madeleines de Proust, symbole d’une enfance insouciante et perdue. C’est donc avec une grosse pointe de nostalgie dans le verbe que je vais vous en parler dans le test ci-dessous.

Spéciale dédicace à Seb

Quand je repense à Killing Time, j’ai presque la musique d’une publicité Herta qui me vient en tête. La première fois que j’ai découvert ce FPS sorti de nulle part, c’était à Sevran, chez mon ami d’enfance Sébastien, qui venait de l’avoir « gratuitement » dans un numéro du magazine Joystick. En 1997 je n’avais pas encore d’ordinateur à la maison, lui n’avait pas de PlayStation alors la synergie fonctionnait entre nous pour nous faire découvrir l’un l’autre des pépites propres à chaque support. Il m’a montré Leisure Suit Larry, Commandos, Spec-Ops, Bad Mojo, Phantasmagoria, Harvester, Redneck Rampage, Sanitarium, Half Life, Démons et Manants, Dungeon Keeper et Killing Time et moi les Resident Evil, Tomb Raider, Crash Bandicoot, Silent Hill, Final Fantasy, Metal Gear Solid, Pandemonium, Legacy of Kain, Destruction Derby, Die Hard Trilogy, Syphon Filter, Vigilant 8, WipeOut et bien d’autres. Quand on est jeune, on a plein de temps libre, mais pas un rond pour en profiter alors qu’en grandissant la tendance s’inverse et la pile de jeux encore sous blister fait honte à l’enfant qui sommeille en nous.

C’était l’époque où on ponçait chaque démo jouable du PlayStation Magazine quand il venait chez moi, et les jeux « offerts » en librairie quand j’étais chez lui. Plusieurs samedis après-midi sont donc passés sur Killing Time, à découvrir un jeu de tir à la première personne tombé du ciel, avec son ambiance horrifique qui faisait son petit effet sur les adolescents que nous étions. Développé par Studio 3DO pour la machine éponyme, le titre fut ensuite porté sur PC et devait même sortir sur PlayStation d’après les infos de la presse spécialisée et des publicités sur papier glacé. J’étais enthousiaste, impatient même, à l’idée de poursuivre mon exploration dans le noir de ma chambre après avoir eu cet avant-goût au clavier et à la souris. Malheureusement le portage PSX fut annulé, me laissant un goût d’injustice que Nightdive Studio vient de réparer en sortant cette remasterisation sur PS4 et PS5. Enfin je peux y jouer et le finir manette en main, comblant ainsi le Vincent de douze ans qui subsiste quelque part en moi.

Le temps ne se tue pas, il se gère

Killing Time prend place en 1932, durant les années folles, aux États-Unis. Le joueur incarne un étudiant en égyptologie fraîchement débarqué sur l’île Matinicus dans le Maine à la recherche de son professeur disparu. Juste avant de perdre son contact, celui-ci lui avait fait part de la découverte par leur hôte Tess Conway d’une clepsydre de l’Egype ancienne capable de lui donner la vie éternelle. A son arrivée la maîtresse des lieux et la plupart des convives ont disparu, remplacés par des créatures cauchemardesques. Du gangster en imperméable / chapeau, au jardinier zombie en passant par le chasseur fou, le chien à deux têtes, le cuisinier maléfique et le clown psychopathe, le bestiaire fait dans l’angoissant et multiplie les effets gores. Les gerbes de sang aspergent régulièrement les lieux sous l’effet de nos armes : pied de biche (avant Gordon Freeman !), pistolet (simple ou double), fusil à pompe, mitraillette Thompson, cocktail Molotov, lance-flammes… Les années 90 autorisent le port de toutes ces pétoires à la fois dans un monde non linéaire labyrinthique où il n’est pas rare de se perdre, même si une carte est présente.


Point de niveaux ici mais des zones cohérentes à arpenter en dégommant tout ce qui bouge. Le gameplay ancré dans son époque est assez simpliste puisqu’il ne s’agit que de survivre aux ennemis nombreux et variés, en récoltant de temps en temps des objets nécessaires à la progression. Malgré tout, avec son monde semi-ouvert et sa narration basée sur des saynètes réalisées avec une demi-douzaine d’acteurs numérisés comme dans les premiers Mortal Kombat, Killing Time avait quelque chose d’avant-gardiste à sa sortie. L’histoire porte le titre et se distille lentement, entretenant un certain mystère posé dès le départ par l’obscurité et la musique lugubre, qui a malheureusement tendance à se couper entre deux « sauts » d’une zone à l’autre de la carte. Les médias parlaient d’un croisement entre la violence d’un Doom et l’esthétique de The 7th Guest. Ils avaient raison.

Compte épargne temps

Réalisé à partir du Kex Engine à l’œuvre également dans Exhumed, la version actuelle est plutôt « jolie » (toute proportion gardée au regard du support) et d’une fluidité sans faille. Il faut savoir que le jeu existe en deux éditions. L’initiale destinée à la 3DO avec un level design cloisonné en couloirs et des acteurs numérisés en guise d’ennemis, ainsi que pour la représentation numérique des armes / mains. Et la version PC en quasi open world dans laquelle les personnages sont des sprites en 2D pixélisés, y compris pour la représentation des armes / mains. Cette remasterisation n’inclut pas les deux itérations mais opte pour le meilleur des deux mondes. Le level design est celui de la version PC mais les ennemis sont, par défaut, ceux de la version 3DO. Le menu Options permet toutefois de rebasculer avec les sprites de la version PC quand bon nous semble pour une version full ordi mais pas de glisser en mode full 3DO. C’est dommage.

Dans les paramètres modifiables on peut aussi décocher la présence d’une skybox, des éclairages dynamiques, des textures en haute résolution, de la visée automatique et de l’équilibrage des armes. Les codes de triche, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, sont directement inclus dans le menu sans taper des combinaisons de touches ou des mots de passe (mode Dieu, mode rats, carte complète, améliorations permanentes…) mais bloquent en contrepartie l’obtention de trophées. Il fallait s’en douter. Les sauvegardes manuelles sont présentes à tout moment mais aucun checkpoint, aucune sauvegarde automatique ni aucun mode rewind ne viennent nous sauver d’une onomatopée quand la dernière save date de vingt minutes. Il fallait y penser plus régulièrement, d’autant que la difficulté est de son temps et bien présente dès qu’on dépasse le mode moyen (par défaut le jeu choisit le mode facile). La durée de vie de cinq à six heures n’est sans doute pas étrangère à l’écoulement abrupte des points de santé... Une technique de renard courante au siècle dernier.


Enfin, les nostalgiques comme moi seront ravis de découvrir le contenu du menu « caveau » exhumant pour le devoir de mémoire tous les travaux préparatoires de la production. Les musiques, les artworks, les rendus 3D, les vidéos, des sprites, les documents, les scènes coupées… pour un peu on se croirait revenu aux bonus des DVD. Une initiative bienvenue de la part du studio et plus difficile à compiler qu’on le croit. Maintenant, je fantasme à une remasterisation du Aliens vs Predator de la Jaguar (le meilleur jeu de la console) ou de la version PC de Rebellion, mais je peux toujours rêver, pour des histoires de droits.

Notre verdict

On aime

  • Le retour inattendu d’un titre oublié
  • Le choix des acteurs 3DO ou des sprites 2D
  • L’ambiance creepy, le monde semi-ouvert
  • L’histoire et la narration en saynètes
  • Les codes de triche
  • Les bonus du menu caveau

On n'aime pas

  • L’absence du level design 3DO
  • Pas de sauvegarde automatique
  • On peut se perdre sans objectif défini
  • La durée de vie assez courte

Pépite de la 3DO méconnue et injustement sortie des mémoires, Killing Time avait toute sa place dans les « Oubliés de la Playhistoire » de Florent Gorges jusqu’à ce que Nightdive Studios lui offre une résurrection sur PS4 et PS5. Si le gameplay sommaire a évidemment vieilli, la réalisation affinée et les multiples options permettent de le (re)découvrir dans d’excellentes conditions. Les curieux un brin nostalgiques prendront plaisir à parcourir cette aventure creepy pleine d’action et d’acteurs numérisés, que ce soit comme ennemis ou comme protagonistes d’une narration intéressante. Une œuvre qui n’a pas perdu de son charme.

Note finale : 7 / 10
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