Test NieR Replicant ver.1.22474487139…
En l’espace d’une bonne décennie, NieR s’est taillé une réputation de jeu culte. Ses musiques incroyables, son histoire et ses personnages singuliers lui ont valu un succès d’estime (700 000 ventes cumulées dans le monde, à peine 3 000 en France). Presque inespérée, une suite a pourtant vu le jour, en 2017, cette fois plébiscitée par une bien plus large audience (plus de 5 millions de copies écoulées). A la lumière de cet intérêt nouveau pour la licence, il n’est donc pas étonnant de voir arriver NieR Replicant V. 1.22474487139, une version actualisée du premier épisode. Voilà une belle occasion de lui donner la chance qu’il mérite, en dépit de son grand âge.
Parmi les éléments les plus marquants de NieR, tous ceux l’ayant fait à l’époque vanteront son univers. L’histoire en elle-même est relativement classique pour un Action-RPG japonais : un jeune homme part combattre des créatures menaçantes appelées « Ombres » dans l’espoir de trouver l’antidote qui guérira sa sœur d’une étrange malédiction. En réalité, l’aventure se démarque de la masse par son ton, par sa profonde mélancolie et surtout, par l’empathie qu’il suscite envers ses personnages. Dans NieR, il n’y a pas de « gentils » ni de « méchants », juste des êtres qui aspirent à « vivre ». Ce n’est pas qu’une intention, plutôt quelque chose que la narration rend concret et palpable pour le joueur. Mais comme souvent avec les jeux imaginés par Yoko Taro, il convient de s’impliquer pour percevoir cette profondeur… On y reviendra.
Une aventure toujours austère
Derrière tout ça, il y a aussi un vrai talent d’écriture. Les personnages sont très « caractérisés » par leur niveau de langage mais heureusement, ne se résument pas qu’à ça. Kainé n’est donc pas qu’une machine à jurons, comme Weiss est tout à fait capable d’avoir de l’estime pour d’autres personnes que lui-même… Surtout, le jeu n’a pas besoin d’effets de mise en scène tape-à-l’œil ou d’artifices pour captiver. On le réalise vraiment lors de certaines quêtes, où ses seules lignes de texte sur fond noir, et accompagnées de compos musicales divines, suffisent pour vous happer, à vous procurer une émotion… C’est assez dingue de voir encore le pouvoir qu’ont ces (trop) rares séquences sur le joueur avec finalement si peu. Mais une fois de plus, encore faut-il se donner la peine d’aller faire ces quêtes pour pouvoir le mesurer (un peu moins d’une vingtaine d’heures en ligne droite, le double en s’attardant sur le contenu annexe).
Si l’on se montre aussi prévenant sur ce point, c’est parce que NieR reste encore aujourd’hui un titre que l’on qualifiera de relativement « aride ». Il peut avoir beaucoup offrir, à condition que l’on se donne la peine de s’y investir. S’agissant des quêtes annexes, autant dire que les tâches qui vous incombent ne sont guère enthousiasmantes : la plupart du temps, il vous faut collecter du loot en quantités importantes, en multipliant les allers-retours d’une zone à l’autre. Fastidieuses et sans intérêt, les premières quêtes du jeu en décourageront plus d’un, c’est certain. Mais c’est aussi un peu dommage car, dans le lot, il y a quelques histoires dont le développement mérite d’être découvert. De la même manière, se contenter de terminer le jeu une seule fois ne peut permettre de toucher du doigt toute la profondeur du récit. Pour voir les cinq fins, il faut la plupart du temps recommencer toute la seconde moitié du jeu, sans grandes variations d’un run à l’autre. Ceux qui ont joué à NieR Automata sont prévenus, à ceci près qu’ici, on ne change pas vraiment de point de vue ou de personnage (sauf pour la fin E, mais on n’en dira pas plus). Il y a bien quelques dialogues supplémentaires, intéressants par ailleurs, mais pas de quoi renouveler l’expérience de jeu. Clairement, il faut s’accrocher face à la redondance du procédé. Mais c’est aussi ce qui fait son charme, ce qui rend certaines révélations d’autant plus « impactantes ». Bref, c’est dans le contrat.
Dans son jus, ou presque
Si Square Enix nous promettait « une expérience de jeu nouvelle » à l’annonce de cette version « 1.22474487139 », force est de constater qu’elle se révèle tout de même très, très proche de l’originale. Tout est comme en 2010 : le système de jeu est inchangé, les donjons et combats sont identiques… La structure même du jeu n’a pas évolué et réside toujours, on le disait un peu plus haut, dans des allers-retours aussi nombreux qu’ennuyeux à la longue. En faisant un bond d’une génération, on aurait quand même souhaité se débarrasser de ces temps de chargement très présents et encore un peu trop longuets à notre goût. Fort heureusement, la prise en main a été adaptée selon les standards actuels. Les contrôles gagnent en souplesse, avec des attaques plus vives et des esquives beaucoup plus tranchantes, sans dénaturer le feeling de l’époque. On n’est certes pas au niveau de virtuosité de sa suite, Automata, mais sur quelque chose d’un peu plus réactif et nerveux. Le gros plus de cette mouture est sans aucun doute l’accélération du rythme de course du héros, qui permet de traverser les zones bien plus rapidement qu’auparavant. Sans compter que le jeu s’appuie enfin sur une fluidité exemplaire, à 60 FPS quasi constant. Il n’empêche, on aurait aimé que d’autres retouches soient apportées pour améliorer davantage le confort de jeu. A tout hasard, une caméra plus éloignée pour voir les ennemis dans le dos ou encore une meilleure ergonomie des menus… Tant pis.
On aurait pu en attendre plus, aussi, du côté de la refonte graphique. Si certaines textures ont évidemment gagné en détails, particulièrement dans les environnements, les modélisations très angulaires de l’époque sont encore là et certaines animations ont pris un sacré coup de vieux. On est quand même plus devant un remaster « ++ » que face à un remake ambitieux à la Bluepoint Games (Demon’s Souls PS5). La partie musicale a, elle aussi, bénéficié d’un gros chantier de réorchestration. Déjà fantastique en 2011 et pour beaucoup dans le culte qui entoure le jeu depuis, l’OST de Keiichi Okabe se voit ici magnifiée par des instrumentations plus riches et complexes qui injectent encore un peu plus de vie et de souffle aux lieux visités (l’incroyable The Prestigious Mask en tête). Avec sa savante gestion de l’accompagnement, le sound design continue d’offrir des montées en puissance vraiment folles ou des silences très à propos. Là-dessus, le jeu reste inattaquable. Pour continuer sur la partie sonore, notons que le moindre PNJ possède désormais une voix. Ça peut paraître n’être qu’un détail mais cela apporte indéniablement au niveau de l’immersion. Le casting principal (en anglais) tape toujours dans le haut du panier, conférant à NieR cette incarnation unique qui le porte depuis toutes ces années. Notez qu’il est possible d’opter pour les voix japonaises.
Au-delà des quelques réajustements qu’il apporte, NieR Replicant V. 1.22474487139 propose aussi un peu de contenu supplémentaire. D’abord un nouvel épisode inédit, assez bien intégré à l’aventure, qui est surtout l’occasion d’un combat de boss bien chouette. Puis surtout, une fin E qui, elle, établit un lien plus direct avec Automata tout en offrant à Kainé son heure de gloire. On l’assure sans trop de mal, les fans de la licence seront conquis. Mais comme on est un peu tatillon, on aurait aimé que cette mouture propose le choix entre incarner NieR jeune ou le « Papa NieR » de la version « Gestalt » du jeu d’origine (celle sortie uniquement en Occident, Replicant étant à l’époque la version réservée au marché japonais). On peut certes jouer ce dernier dans un donjon additionnel qui apparaît après la fin A, mais il aurait été sympa de pouvoir aussi faire toute l’aventure avec lui. Ceci étant dit, l’âge du héros n’implique aucun changement majeur dans le scénario. C’est avant tout une question de sensibilité : juste, la quête de « Papa NieR » nous avait paru peut-être plus authentique, en 2011, que celle de son jeune alter ego.
En tout cas, on ne peut que se réjouir de voir le jeu ressortir sur consoles, dix ans après. Resté confidentiel à sa sortie, il a aujourd’hui l’occasion de montrer toutes ses qualités à un panel plus large de joueurs, dont la curiosité a été affûtée par son excellente suite. Plus maniable et un peu plus agréable à l’œil, NieR Replicant V. 1.22474487139 est indéniablement la meilleure version pour le découvrir. Reste qu’avec sa structure datée et l’implication qu’il demande pour en retirer toute la saveur (terminer plusieurs fois le jeu pour avoir tous les éléments de l’histoire), le premier NieR reste une expérience singulière qui pourra en rebuter certains, plus encore qu’Automata. Mieux vaut aimer les Action-RPG old-school pour espérer accrocher. Enfin, le recommande-t-on pour ceux qui l’ont déjà bouclé en 2011 ? Tout dépend de votre attachement au jeu d’origine. Les ajouts scénaristiques suffiront largement à convaincre les amoureux de la licence, mais de là à payer le prix fort…
Notre verdict
On aime
- Des personnages toujours aussi attachants
- Les pans de scénarios en plus, vraiment chouettes
- L’expérience de jeu, bien plus fluide
- Les réorchestrations très inspirées
On n'aime pas
- Ces allers-retours incessants
- Les temps de chargement entre chaque zone
- Ne pas avoir le choix d’incarner « Papa NieR »
Avec cette Ver. 1.22474487139…, Square Enix rend un bel hommage au NieR original. Dans ce nouvel écrin, le jeu soigne sa prise en main, grâce à des contrôles plus souples et à une fluidité enfin au rendez-vous. Les fans seront assurément conquis par les réorchestrations, souvent folles, des musiques de Keiichi Okabe, et par les nouveaux pans de scénario qui s’intègrent très bien au reste de l’aventure. On aurait tout de même aimé que ToyLogic aille un peu plus loin dans son opération lifting, avec une meilleure ergonomie des menus, plus d’ambition sur le visuel… Reste aussi cette structure archaïque, impliquant de nombreux allers-retours, qui peut rebuter aujourd’hui. Encore une fois, il faut savoir passer outre cette redondance pour pouvoir apprécier NieR à sa juste valeur. A chacun de voir s’il est capable d’un tel effort.
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