Test The Shapeshifting Detective

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PS4

Après The Bunker, Late Shift et The Infectious Madness of Doctor Dekker, Wales Interactive continue de ressusciter le genre du jeu en Full Motion Video (FMV pour les intimes) en éditant The Shapeshifting Detective. Développé par le studio Avekki à qui nous devions déjà les confessions du docteur Dekker, ce titre emprunte cette fois la voie du film noir surnaturel avec au centre de l’enquête le meurtre d’une musicienne. Petite originalité spoilée dès le titre : le détective que nous incarnons a la possibilité de changer de forme pour mieux surprendre ses suspects.

Le détective polymorphe, pas polyglotte

Avec un titre qui sent bon le Brexit et un éditeur au nom évocateur de Wales Interactive, on imagine sans trop de mal que cette production ne vient pas du pays du camembert. Outre la cuisine et le style vestimentaire si particuliers de nos amis d’Outre-Manche, on peut émettre une légitime inquiétude sur le jargon employé dans ce jeu. The Shapeshifting Detective est un film interactif tourné avec des acteurs britanniques non doublés en français et surtout non sous-titrés dans la langue de Molière. La barrière de compréhension risque donc d’être un obstacle insurmontable pour beaucoup d’entre vous (et pour nous aussi, n’ayez pas de complexe) ce qui réduira considérablement l’intérêt d’une telle production reposant exclusivement sur le dialogue. Si en revanche votre niveau de TOEIC est supérieur à la moyenne nationale vous pouvez lire la suite de ce test.

The Shapeshifting Detective se déroule en vue intérieure à travers les orbites de Sam, un détective privé embauché pour enquêter sur l’assassinat de Dorota Shaw, une jeune et séduisante musicienne. Notre limier démarre ses investigations dans un bed and breakfast où résident trois tarologues - des voyants utilisant les tarots pour lire l’avenir -, les principaux suspects de cette affaire. Par courtoisie ou par professionnalisme allez savoir, il commence par cuisiner la tenancière. Le gameplay livre alors ses charmes dès les premières minutes : il s’agit simplement d’un échange de questions-réponses entre nous et notre interlocuteur avec parfois la possibilité de garder le silence si ça nous arrange. Dès qu’un personnage se tient à notre disposition apparaissent en bas à droite de l’écran les questions que nous pouvons lui poser. L’image en arrière-plan se fige quelquefois en attendant notre action, donnant un rendu un peu kitsch à cet instant de doute. Toutes les questions peuvent être posées sans limite jusqu’à épuisement du stock avec la (rare) possibilité de poser en boucle la même phrase et avoir la même réponse sans provoquer un bug dans la matrice.

Si on s’arrêtait là, l’expérience serait des plus basiques. Seulement voilà, Sam, en plus d’être celui qui ne boit pas, est doté d’une capacité digne d’un T-1000 : il peut prendre l’apparence de ceux qu’il a déjà rencontré auparavant. Toute la subtilité de cette production repose dans cette astuce puisqu’en retournant dans sa chambre notre type peut modifier son physique et sa voix pour tromper ses compères comme dans The Thing, tout en essayant de ne pas éveiller leurs soupçons avec des questions inappropriées par rapport à son enveloppe charnelle. Évidemment les discours changent radicalement quand les suspects pensent parler à leur voisin de chambrée et non plus au porteur du badge loi. On glane alors de précieuses informations sur les événements de cette nuit-là, sur les comportements réels de chacun et leurs relations, ce qui nous oriente davantage vers la résolution du crime. N’allez quand même pas croire qu’ils vont passer à table aussi facilement et que l’enquête sera bouclée dans la nuit. Elle s’étend sur plusieurs chapitres, s’épaississant à mesure qu’interviennent de nouveaux personnages, jusqu’à son dénouement. Avec 1600 séquences filmées et des embranchements scénaristiques multiples le jeu propose plusieurs fins, plusieurs coupables, promettant une excellente rejouabilité si on accroche dès le début.

Under my skin

Originale et prometteuse sur le papier, cette expérience s’avère maladroitement exécutée. Tout d’abord, l’interactivité est réduite à sa plus simple expression avec aucun déplacement à gérer (si ce n’est des balades-téléportations à taxi), aucune jauge de temps pour nous mettre la pression lors d’une prise de décision et aucun aparté comme des puzzles, des recherches ou l’étude d’une scène de crime avec indices à récolter comme dans le jeu vidéo X-Files de 1998. Notre gars n’a même pas de bloc-notes ou de journal pour consigner les éléments importants, établir des profils ou bricoler des fiches sur ses suspects. Cette paresse indigne d’un bon détective est pénalisante pour le joueur parce que s’il décroche de sa partie pendant plusieurs jours il aura peut-être un peu de mal à remettre tout le monde à sa place. Bien sûr notre limier a les poches trouées et ne glane aucune preuve matérielle, n’a pas d’inventaire ni même de flingue ou de menottes. Columbo avait au moins un cigare.


Cette impression d’être passif devant son écran provoque au bout d’une heure un sentiment d’ennui qui ne nous quitte jamais vraiment, là où Late Shift parvenait à nous prendre par la main pour un tour de grand huit. Une question de rythme sans doute. Le fait de devoir retourner dans notre chambre pour nous métamorphoser à chaque fois qu’on veut parler au dernier venu dans la peau d’un autre implique d’innombrables allers-retours vite lassants eux aussi. Sans oublier le risque de se perdre dans les croisements d’identités, à ne plus savoir à qui on a déjà parlé dans la peau de qui. A la longue on décroche, d’autant qu’encore une fois le manque de sous-titres français n’aide pas à la compréhension, à l’immersion et à l’empathie. Il y a bien des sous-titres anglais mais certains dialogues comme ceux de la radio qui tourne en fond et qui semblent avoir leur importance n’en ont pas par exemple, renforçant notre côté « touriste étranger juste de passage ».

On vous épargne le paragraphe où on vous dit que les graphismes sont photoréalistes juste pour préciser que la compression vidéo donne de temps en temps un léger grain dans les zones sombres. De son côté le jeu des acteurs / actrices oscille entre le convenable et le moyen selon les personnages sans jamais prétendre à l’oscar du meilleur drame. Les androïdes de Detroit : Become Human étaient plus crédibles et émouvants. Enfin, la bande son alternant piano et violon, toute en retenue et en délicatesse, transporte bien dans l’ambiance film noir que le jeu tente d’insuffler.

Notre verdict

On aime

  • Le principe original sur le papier
  • Cette impression « d’agir » sur un film
  • Une bonne replay value

On n'aime pas

  • La barrière de la langue
  • Les allers-retours pour changer d’apparence
  • L’interactivité très réduite
  • Le jeu d’acteur variable
  • Le rythme qui peine à captiver

Mener une enquête policière en interprétant à tour de rôle différents suspects pour mieux tirer les vers du nez de nos petits camarades avait quelque chose d’exaltant sur le papier. En pratique, The Shapeshifting Detective devient vite pénible à force d’allers-retours dans notre chambre d’hôtel pour changer d’apparence au nez et à la barbe de tous. Ajoutez à ça l’absence de traduction qui handicape clairement la compréhension de l’intrigue et vous n’aurez qu’un film faiblement interactif à vous mettre entre les mains pendant ces longues soirées de novembre. The Bunker et Late Shift étaient quand même plus intéressants et mieux joués.

Note finale : 5 / 10
Les commentaires
Le
Suite à la publication d'un patch le jeu propose désormais des sous-titres français. Il gagne considérablement en intérêt.
Le
Du coup je le mets sur ma wishlist petit prix ^^
Le
Le coup des A/R me semble bien trop chiant :/
Le
Oui c'est vrai mais il est à 13€ de base, donc à moitié prix un jour ça doit être tolérable ^^

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