Test Agatha Christie - The ABC Murders
Le plus anglais des détectives belges s’échappe temporairement de la littérature d’Agatha Christie pour mener l’enquête sur PlayStation 4, Xbox One, PC et Mac dans The ABC Murders. Alors qu’il était en train de se la couler douce dans son appartement londonien avec son fidèle Hastings, Hercule Poirot reçoit une étrange lettre signée par un mystérieux ABC l’avertissant d'un meurtre à venir. Cette mise en garde, sorte de défi lancé par le meurtrier à notre détective privé, enverra le moustachu sur les traces d'un tueur en série manipulateur et sadique.
Notre premier cadavre nous emmènera à Andover, une bourgade du Hampshire, pour enquêter sur le meurtre d’une vendeuse de tabac. Et au risque de vous spoiler, le vilain récidivera ailleurs en Angleterre et d’autres corps passeront entre vos doigts experts jusqu’à la découverte du coupable.
Poirot vinaigrette
Prenant place dans l’insouciance de l’année 1935, The ABC Murders est un jeu d’enquête à la troisième personne avec des morceaux de point’n click et de puzzle-game dedans. On déplace un Hercule Poirot tout en retenu avec le stick analogique gauche et un curseur, sorte de souris virtuelle, avec le stick analogique droit. Quand notre curseur balaye un élément interactif, celui-ci se change en icône contextuelle : une paire de lunettes pour regarder, une main pour saisir un objet ou prendre la porte, une bulle pour dialoguer. Notre arrivée sur le terrain n’est jamais dû au hasard mais pour enquêter sur un meurtre avec les incontournables de tout bon limier : étude du cadavre, interrogatoire des témoins / suspects, reconstitution de la scène de crime et déduction logique en combinant les indices. Les amateurs de jeux d’aventure et notamment les habitués de la série Sherlock Holmes ne seront pas chamboulés par le développement des investigations mais auront l'impression que le niveau de difficulté a été revu à la baisse.
En ciblant un large public (disons, les 12-77 ans), ce récit d’Agatha Christie ne met pas la barre bien haute avec de nombreuses aides impossibles à retirer dans le menu des options. Ainsi, les scènes d’observation sont assistées d’un halo qui vire au vert, d'un zoom et de la vibration de la manette quand le curseur se pose sur un élément clé. Le choix des questions durant les interrogatoires mène à l'obtention des mêmes informations (peu importe la manière d'aborder le sujet) et les déductions faites en recoupant plusieurs éléments ensemble pour répondre à une problématique ne donnent pas lieu à une quelconque sanction en cas d'erreur. A force d'essayer toutes les combinaisons de cellules grises on tombe forcément sur la bonne, sans game over. Seule l'observation des objets via une représentation 3D à 360° proche des jeux Red Johnson Chronicles (du même éditeur) ou de certains jeux DS donne un léger fil à retordre. Ces puzzles demandent un minimum de réflexion pour ouvrir un coffre ou une boite fermés par un mécanisme, même si la solution est sous nos yeux.
Si jamais vous séchez, vous pouvez toujours demander de l’aide en cliquant sur le bouton éponyme accessible depuis le menu des options. Les conseils divulgués devraient grandement vous aider mais vous devrez attendre que la jauge se recharge pour les solliciter de nouveau. Dans le même esprit, un menu « objectifs » liste ce qu’on attend de vous et un carnet de notes rappelle les infos sur les personnages. Impossible de se sentir perdu, d’autant que le déroulement des enquêtes est linéaire et évite les allers-retours entre plusieurs destinations.
ABC pour casser
La complexité des enquêtes grandit légèrement à mesure de votre progression dans l’histoire sans jamais atteindre la difficulté de la concurrence. Votre premier déplacement fait office de mise en bouche mais dès le second macchabée les suspects sont plus nombreux et les puzzles plus vicieux. Nous sommes malgré tout plus en présence d’une œuvre initiatique, d’une première approche du genre, que d'un challenge pour joueurs chevronnés. On a au moins l'impression d'être un bon enquêteur, d'arriver à décrypter les gens sans même leur parler, de se mettre dans la peau du tueur lors des reconstitutions sans éprouver une grande difficulté. C'est un sentiment agréable, loin de la frustration qu'on ressent parfois dans les jeux vidéo. Votre manière d'agir (« comme le ferait Hercule Poirot dans la vraie vie ») est sanctionnée par l'obtention de points d'ego (600 points au total) qui eux-mêmes débloquent des récompenses virtuelles comme des vignettes ou des trophées. Vu la nature des gains nous n'irons pas jusqu'à recommencer le jeu pour avoir les 600 points, mais c'est une source de motivation supplémentaire pour bien jouer. La principale source d'attrait étant la trame du jeu, le scénario bien ficelé est prenant comme un bon polar (merci Agatha) et très agréable à suivre jusqu'à son dénouement.
Le capital sympathie du jeu provient aussi de sa réalisation d'ensemble. Les graphismes en cel-shading façon bande dessinée belge réalisés sous le moteur Unity apportent un ton léger aux drames humains, et les moustaches généralisées cachent la plupart de temps l'horrible synchronisation labiale des doublages. Les dialogues sont en français (ou en anglais) avec des accents parfois caricaturaux et un jeu d'acteur forcé, mais globalement ils tiennent la route et apportent un indéniable confort de jeu. Les musiques sont discrètes voire absentes par moment mais sont toujours dans l'esprit feutré des adaptations télévisées des bouquins de la romancière. Notre avatar est d'ailleurs le sosie de David Suchet. La prise en main ne connaît que deux écueils : Poirot qui refuse de courir pour seulement trottiner (rendant les traversées des rues longuettes) et le bouton d'action placé sur L2 dans les puzzles. Faire pivoter un mécanisme avec L2 et le stick droit n'est pas l'idée du siècle mais on s'y fait, à défaut de pouvoir utiliser le fameux pavé tactile de la DualShock 4. Enfin, le plus gros défaut de cette production est sans doute sa durée de vie avoisinant les cinq à six heures pour boucler les reconstitutions et trouver le coupable. Un peu léger pour un titre vendu en boite entre 30 et 40 euros même si on ne voit pas passer les heures tant elles sont agréables.
Notre verdict
On aime
- L’esthétique BD
- Les doublages français
- L’impression d’être doué
- Seulement 40 euros en boite
On n'aime pas
- Vraiment facile
- La durée de vie légère
- Poirot ne court pas, il trottine
N’en déplaise aux comparateurs, Hercule Poirot n’est pas Sherlock Holmes et l’arrivée du détective belge sur nos machines n’est pas synonyme d’enquêtes tortueuses mais plus d’une sorte de roman interactif ponctué de puzzles à résoudre. Les investigations sont vraiment à la portée du plus grand nombre si bien que The ABC Murders fait davantage office d’approche que de mètre-étalon du genre. Cette simplicité nuit forcément à la durée de vie, puisque la progression n'est jamais grippée par un Game Over ou une énigme insoluble, mais les cinq à six heures proposées sont prenantes et très agréables. La réalisation façon bande dessinée, les musiques, les doublages et la qualité d'écriture y sont pour beaucoup.
Vincent
Leolio
Vincent
Leolio
ridfux
Vincent
Et tu peux pas avoir un plus petit prix ?
Leolio
Et puis je suis pas pressé, surtout quand je vois que Sherlock était vite trouvable pas cher.