Test NieR Automata

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PS4

NieR est de ces jeux – rares – ayant forgé leur légende bien après leur sortie, portés par la voix d'une communauté passionnée, loin du verdict sec et définitif des charts (à peine 3 000 unités en France) et de Metacritic. Des musiques divines, une histoire bien écrite, des personnages charismatiques... L'ensemble de la presse n'hésite pas à parler aujourd'hui d'un titre « culte ». Alors, dans une industrie où la prise de risque n'est plus vraiment la norme, qu'une suite lui soit donnée tient presque du miracle. Voilà donc NieR : Automata – sept ans après le premier – développé par PlatinumGames (Bayonetta, Metal Gear Rising : Revengeance) avec, cette fois, des attentes bien plus marquées, étonnement bienveillantes même. Mais au final, que vaut réellement cette suite ?

Les événements contés par Automata se déroulent à une époque lointaine – bien après NieR – où l'humanité a été chassée de la Terre par une race alien et son armada de machines. Exilés sur la lune, les hommes s'en sont remis au projet YoRHa, qui consiste à envoyer des troupes d'androïdes repousser l'envahisseur hors de notre chère planète. Rescapés d'une opération ayant mal tournée, les unités 2B et 9S sont appelés à apporter leur aide à la Résistance, installée sur place. Au gré des missions qui leur seront confiées et des combats qu'ils auront à mener, ils finiront par en apprendre plus sur les machines, mais aussi sur eux-mêmes...

Des automatismes bien huilés

Comme toujours avec les jeux signés du fantasque Yoko Tarô, il ne faut pas espérer tout découvrir de NieR : Automata au terme d'un seul et unique run. Sans quoi, le scénario pourra alors sembler tout aussi simpliste et expédié que n'importe quel autre jeu de PlatinumGames. Une fois de plus, il faudra finir la quête principale à plusieurs reprises ou remplir certaines tâches bien précises (comptez une fin par lettre de l'alphabet... bon courage) pour recoller tous les morceaux de l'intrigue – parfois des pans entiers – qui font évidemment la richesse de son propos. Car NieR : Automata a indéniablement des choses à dire, sans pourtant se montrer excessivement bavard.

Comme son aîné, le jeu fait la part belle aux personnages ; à tous ses personnages d'ailleurs. Qu'il s'agisse des héros, bien plus riches en émotions qu'ils n'y sont autorisés, ou du moindre PNJ robotique, croisé à l'occasion d'une quête secondaire ou deux. Même les boss font l'objet d'un développement intéressant, loin de leur simple fonction « chair à canon ». Sans trop en dire sur le fond, androïdes et machines s'interrogent régulièrement sur leur condition, mais aussi sur celle des humains et sur ce que les distinguent les uns des autres. Des réflexions tantôt touchantes, tantôt désespérées – à l'image de la vision de son auteur – et parfois relevées de quelques notes légères, des petites pointes d'humour décalé telles que les affectionne Yoko Tarô. Encore une fois, l'écriture du réalisateur fait son effet, avec son lot de surprises et de clins d’œil aussi habiles qu'appuyés. Il s'en dégage un drôle de parfum, aussi atypique et singulier que l'atmosphère pleine de mélancolie du premier NieR. La recette est certes bien connue désormais, mais elle demeure ici d'une redoutable efficacité.

Évidemment, cette nécessité de refaire le jeu plusieurs fois pour tirer la quintessence de son intrigue risque d'en laisser encore plus d'un sur le carreau... Malgré tout, il convient de souligner les efforts entrepris par Automata pour diversifier son New Game +, en offrant aux joueurs un angle de vue et/ou un gameplay sensiblement différent d'un run à l'autre. Si certaines redondances sont malgré tout inévitables, cet effort de variété rend l'enchaînement un peu moins indigeste et rébarbatif que dans NieR. Ce qui n'est pas du luxe. Cela dit – si ce n'est par pure fantaisie – cette approche narrative peine à se justifier pleinement. En effet, on peut tout aussi bien imaginer que l'intrigue n'aurait sans doute pas pâti d'une construction plus linéaire, où l'on découvrirait tous les éléments en un seul run. Si bien qu'après plusieurs heures de jeu, on en vient plutôt à se demander si ce n'est pas là une astuce pour masquer certaines faiblesses de design...

Ne pas NieR l'évidence

Si Automata se montre fidèle à NieR dans sa fameuse (dé)construction narrative, il l'est tout autant dans sa structure globale, à savoir une addition de hubs plus ou moins vastes, connectés les uns aux autres, qui donnent ainsi l'illusion d'un monde ouvert. Reste que le subterfuge ne trompe pas bien longtemps – comme dans le premier NieR – et l'on remarque très vite les limites physiques qui encadrent (entravent ?) très strictement la progression du joueur, réduisant alors tout sentiment d'exploration. Même si certains environnements réservent quelques surprises, avec certains embranchements bien cachés, on aurait quand même espéré un peu plus de profondeur qu'en 2010.


Cette impression précoce de tourner en rond est malheureusement renforcée par les trop nombreux allers-retours requis par les quêtes secondaires. Faute de raccourcis et de chemins annexes, le joueur doit souvent traverser une zone complète, de bout en bout, avant de pouvoir en rallier une autre, où l'attend son objectif. Quant au fast travel, qui aurait pu soulager le joueur de quelques courses superflues, il manque de suffisamment de checkpoints judicieusement placés pour pouvoir atténuer cet effet de répétition, très vite harassant pour le joueur. Heureusement que certaines quêtes et quelques combats valent le détour...

Sans surprise, les affrontements de NieR : Automata profitent, eux, très largement de l'expertise de PlatinumGames en matière de jeux d'action. Loin du feeling pataud du premier NieR – mais sans en bouleverser les contrôles – le système de combat de cet épisode brille par son explosivité, à grand renfort de dash stylisé, d'un simili-witch time assez pété et de chorégraphies martiales éprouvées. On retrouve là, la verve des meilleurs titres du studio, à mi-chemin entre Bayonetta et Metal Gear Rising : Revengeance. Mais toutefois, sans jamais en exploiter toute la technicité.

Question d'accessibilité ou simple compromis, le système de combat – tout comme la structure du jeu – met rapidement ses défauts au grand jour : difficulté toute relative, timing d'esquive très tolérant et manque de combos nuisent à tout sentiment de progression et surtout, de montée en puissance. Le manque de variété des ennemis, de même que leurs patterns aussi limités que téléphonés, n'arrange rien et l'on se retrouve donc à répéter machinalement les mêmes combinaisons, simplement parce que ça marche. Tout autant que l'on conserve un seul et même set d'armes, quasiment du début à la fin. Un petit gâchis lorsque l'on réalise l'énorme boulot fourni par les animateurs sur les mouvements propres à chaque arme...

Entendons-nous bien, ce constat n'empêche pas les combats de donner de bonnes sensations, assurément bien meilleures que dans le premier NieR d'ailleurs. La personnalisation des héros s'est également amélioré, avec un système de puces d'upgrades à installer dans l'espace mémoire de nos chers androïdes. Les bénéfices sont suffisamment variés (gain de PV, boost d'attaque, de vitesse...) pour que chaque joueur puisse façonner son avatar selon sa propre manière de jouer. Avec les bonnes fusions de puces – qui décuplent les effets – il y a moyen de créer une solide machine de guerre. Sans compter la force de frappe des pods, redoutables, qui assurent un solide soutien tout au long des combats.

Une OST dans le haut du paNieR

Qu'importe si le gameplay manque d'un peu de profondeur, cela n'enlève absolument rien à la patate très généreuse des affrontements (une orgie visuelle, soyons clairs). Restait néanmoins à juger de leur fluidité, une promesse de développement sur laquelle PlatinumGames et Square Enix ont beaucoup insisté dans leur communication sur le jeu. Fort heureusement, la promesse du 60 fps est à peu près tenue. Au moins lors des combats, où l'action ne nous a jamais semblé faiblir, même lorsque les ennemis et les effets visuels inondent l'écran. En revanche, de nombreuses chutes de frame rate hachent fréquemment l'exploration, sur PlayStation 4 standard, en particulier lorsque l'on traverse les zones au pas de course. Pas de quoi rendre l'exercice plus enthousiasmant qu'il ne l'est...

Clairement, les développeurs n'ont pas souhaité transiger sur la dynamique des combats et dans cette optique, ont très certainement été contraints de faire quelques concessions techniques. La plus notable concerne évidemment la réalisation, loin, très loin de ce que l'on est en droit d'attendre d'un jeu sur cette génération de consoles. Si les modèles et l'animation des personnages principaux font plutôt honneur aux design originaux du talentueux Akihiko Yoshida (Vagrant Story, entre autres Final Fantasy), le reste n'a malheureusement pas bénéficié du même soin. Une modélisation ultra-sommaire des PNJ, des éléments de décor désespérément plats et anguleux, des textures qui affichent d'énormes pixels que ne renierait pas le premier NieR... Sans rire, on se croirait encore sur PlayStation 3 ! Alors c'est vrai, on n'y fait pas vraiment attention dans le feu de l'action et d'aucuns diront que cela fait partie intégrante de l'ADN de la licence... Mais franchement, soyons honnêtes, certains éléments sont tellement bâclés pour un jeu PS4 qu'il est difficile de fermer les yeux là-dessus.

Fort heureusement, l'immersion du joueur ne s'en retrouve pas totalement impactée, puisque le jeu affirme une fois encore une identité artistique très forte. Peu engageante au premier abord, la palette de couleurs assez terne d'Automata en dit pourtant beaucoup sur l'atmosphère désolée du jeu, teintée d'un subtil voile mélancolique toujours aussi intriguant. Par ailleurs, le titre multiplie aussi les bonnes idées de mise en scène, souvent percutantes, lesquelles appuient efficacement les moments clés de l'aventure. Les changements d'angle de caméra durant les phases de jeu (de shoot notamment) sont, à ce titre, encore légion et contribuent à leur manière à varier l'action. Même si, parfois, cela se fait au détriment de la lisibilité.


Mais ce qui frappe d'entrée – et on n'insistera jamais assez sur ce point, vraiment – ce sont à nouveau les merveilleuses compositions du génial Keiichi Okabe, à inscrire instantanément au panthéon des meilleures musiques de jeu vidéo. Plus variée et grandiloquente encore que celle de NieR, l'OST d'Automata est réellement habitée par un souffle épique, un appel de l'aventure auquel il est impossible de résister. Elle prouve aussi, une nouvelle fois, que les morceaux chantés (comment ne pas succomber à la douce voix d'Emi Evans...) confèrent un supplément d'âme indéniable, autant dans l'action que dans les moments plus intimistes. D'autant plus un tour de force auditif que les musiques évoluent, s'adaptent à la progression du joueur. Ainsi, à l'approche d'un combat, les chœurs vont peu à peu s'envoler, tandis qu'une chanson interprétée a cappella va venir ponctuer la résolution (le terme est relatif) d'une sous-quête. L'immersion est totale.

Une telle attention portée au détail confère un sentiment de cohérence générale presque inédit, bien trop rare dans les productions actuelles. Un jusqu'au-boutisme qui a tôt fait d'emporter l'adhésion du joueur, finalement peu habitué à des expériences aussi abouties dans leur conception. Comme NieR, Automata n'est pas parfait et souffre encore d'un manque certain de finition et de profondeur qui le réserve encore et toujours à un public de niche, prêt à s'investir en connaissance de cause. Reste que cet investissement sera largement récompensé, tant le jeu a de surprises à offrir, de moments de grâce étonnants de générosité et de simplicité à la fois. Comme NieR avant lui, Automata est plus grand que ses quelques errances. Et en soi, ce n’est déjà pas mal.

Notre verdict

On aime

  • Les musiques absolument divines
  • Les combats, enfin vifs et nerveux
  • L'écriture toujours aussi efficace
  • La cohérence de l'ensemble
  • Quelques efforts de variété

On n'aime pas

  • Les trop nombreux allers-retours
  • La technique, très décevante
  • Un certain manque de profondeur
  • L'effet de surprise n'est plus...

Alors que l'on pouvait craindre un changement d'orientation radical sous la houlette de PlatinumGames, NieR : Automata trace sa route dans le sillage de son aîné : l'histoire et les personnages changent mais la formule, elle, demeure. De même que les atouts qui ont déjà propulsé NieR au rang de jeu culte, à savoir une ambiance incroyable, soutenue de main de maître par une écriture redoutable d'efficacité et par des musiques tout bonnement sublimes. De plus, cette suite se pare enfin d'un système de combat agréable à jouer, grâce à l'expertise du studio d'Osaka. Mais une nouvelle fois, encore faut-il avoir le courage d'aller tirer toute la quintessence de son univers, en passant outre la nécessité de refaire le jeu plusieurs fois et une technique pas du tout à la hauteur du support. Aux joueurs de voir où se situe leur seuil de tolérance.

Note finale : 8 / 10
Les commentaires
Le
J'avais loupé nier. Je ne compte pas récidiver avec automata.

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