Reprise du message précédent :
Ca à déjà commencé et ça va être de pire en pire... https://www.mediapart.fr/journal/france ... ntisemites► Afficher le texte
Le pays a connu une augmentation exponentielle des actes racistes et une hausse inédite de l’antisémitisme
en 2023. La « figure de l'immigré » est particulièrement visée. La CNCDH pointe la responsabilité du RN et des
acteurs médiatiques, mais également l’inconséquence du gouvernement.
« L’immigré, réceptacle commode de toutes les critiques, a été régulièrement pointé du doigt comme responsable
des difficultés rencontrées dans nos sociétés. » C’est par ces mots Jean-Marie Burguburu, président de la
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), commente les résultats de la 34 édition de son
rapport, remis jeudi 27 juin au gouvernement. Une sentence qui résonne fortement à quatre jours du premier tour des
élections législatives. Ces élections anticipées pourraient faire grossir de manière exponentielle les rangs des
député·es Rassemblement national (RN), un parti qui a fait de l’immigration sa bête noire.
Un sujet que n’esquive pas le rapport, malgré le contexte électoral électrique : « Depuis plusieurs années, le
Rassemblement national bénéficie d’une audience accrue, dans les urnes, mais aussi dans les médias et les institutions,
particulièrement avec l’arrivée de 88 députés de ce parti à l’Assemblée nationale. Avec lui, c’est aussi tout un ensemble de
figures médiatiques et d’intellectuels qui donnent de la voix et essayent d’imposer leurs manières de voir l’immigration et
la diversité. Cette parole est relayée par un nombre croissant de télévisions, radios, journaux et comptes de réseaux
sociaux. »
Le 13 juin, Jean-Marie Burguburu était d’ailleurs sorti de sa réserve, comme en 2002, pour appeler les Français·es « à
faire barrage aux candidats de l’extrême droite » lors des élections législatives, considérant que le Rassemblement
national s’oppose de façon « frontale, directe, [aux] principes d’égalité, de fraternité et de liberté ».
Mais la CNCDH, rapporteuse nationale indépendante sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie,
n’épargne pas non plus l’exécutif en place. Cette focalisation sur l’immigré, et notamment le travailleur immigré, s’est
particulièrement déployée à l’occasion du débat politique autour de la loi asile et immigration, portée par le ministre
de l’intérieur Gérald Darmanin et examinée en 2023.
Récemment, le président de la République lui-même parlait, pour qualifier les mesures du Nouveau Front populaire
(NFP), d’un programme « immigrationniste ». Un mot de l’extrême droite, pour décrédibiliser son adversaire.
Une baisse de la tolérance notable.
Le rapport note aussi, avec inquiétude, un fléchissement de « l’indice longitudinal de tolérance » pour la deuxième
année consécutive, après de nombreuses années de hausse continue. Cet indice mesure tous les ans l’évolution des
préjugés sur une échelle de 0 à 100. Plus l’indice se rapproche de 100, plus il reflète un niveau de tolérance élevé.
S’établissant pour 2023 à 62 sur 100, il recule de trois points par rapport à l’an passé. Cette baisse de la tolérance
touche toutes les minorités, les plus visées étant, de loin, les populations rom et musulmane.
Là encore, l’organe indépendant relève des événements en particulier à l’occasion desquels la parole raciste s’est
libérée : les émeutes et révoltes dans les quartiers populaires ayant suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, mais
également l’affaire de Crépol, où le cadrage médiatique a été particulièrement inconséquent, voire mensonger (lire ici
notre enquête).
Tout le monde n’est d’ailleurs pas atteint de la même façon, et la CNCDH souligne que le clivage droite-gauche
continue, en la matière, de servir de paratonnerre : « Entre gauche et droite, les écarts [de tolérance] sont de 23 points,
soit du même ordre qu’entre les générations nées avant 1955 et après 1987, démontrant combien ces deux camps divergent
dans leur appréciation de la diversité et des minorités. »
Un antisémitisme en très nette augmentation
« Ce recul soulève de sérieuses questions quant à l’évolution du vivre-ensemble », pointe le rapport. Cette année, pour la
première fois depuis 2005, « c’est l’indice de tolérance relatif aux juifs qui a le plus chuté en un an, avec une baisse de
quatre points à comparer à celle d’un point pour les Maghrébins et les Noirs, de deux points pour les musulmans, et de
trois points pour les Roms ».
Une année 2023 également marquée, depuis le 7 octobre, par un nombre d’actes antisémites « exceptionnellement
élevé, qui rappelle de manière brutale la persistance de l’antisémitisme dans notre pays ». 1 676 actes antisémites ont été
comptabilisés en France en 2023, soit quatre fois plus qu’en 2022, ce qui constitue « une hausse inédite » depuis
l’année 2000 et le début de la seconde Intifada. « Le conflit israélo-palestinien a souvent déclenché en France des vagues
d’antisémitisme mais jamais à un tel niveau », selon le document.
Au total, le pays a connu 32 % d’actes racistes en plus en 2023, d’après les données du ministère de l’intérieur – en
particulier les actes à caractère antisémite qui explosent : + 284 %. Cette augmentation des actes racistes entre
octobre et décembre 2023 (1 242 actes racistes recensés) « alimente un fort sentiment d’insécurité tant parmi les
Français juifs que musulmans ».
Et c’est le sentiment anti-immigrés qui apparaît « le plus corrélé aux autres formes de haine et d’intolérance captées
par le baromètre ». Ainsi, selon le principe renversé de l’intersectionnalité, une personne rejetant fortement les
immigrés « sera plus encline à exprimer par ailleurs une opinion misogyne, antisémite, anti-islam, anticommunautariste,
à se dire raciste ou à considérer qu’il existe des races supérieures à d’autres ».
Même si le racisme à fondement biologique est en net recul dans l’opinion, le racisme mute vers sa dimension
« culturelle et identitaire », qui consiste « à invoquer l’incapacité supposée des immigrés et des étrangers à se conformer
aux normes et aux valeurs de la société d’accueil ».
Rien d’étonnant, dans un tel contexte, à ce que les discriminations liées à l’origine ne faiblissent pas non plus,
notamment dans le monde du travail. En 2023, le baromètre du Défenseur des droits indique que plus de la moitié
des saisines reçues par l’institution en matière de discrimination liée à l’origine se sont déroulées dans la sphère
professionnelle. L’Insee montre de son côté que la discrimination raciale à l’embauche est massive, en particulier à
l’encontre des candidates et candidats issus de l’immigration.
Réaction pusillanime du gouvernement
La CNCDH le sait et l’admet : les données qu’elle collecte souffrent d’une « invisibilisation de l’ensemble des actes
racistes non déclarés, qui échappent à la justice ». Les chiffres du ministère de l’intérieur ne représentant donc qu’une
infime partie des actes racistes commis en France, « la sous-déclaration massive du racisme contribue à entretenir une
impunité face à ces actes, lèse les victimes et porte atteinte à la cohésion sociale ». Ce « chiffre noir », qui serait la réelle
mesure du racisme en France, manque encore, près de quarante ans après la création de l’ancêtre de la CNCDH.
Quand les plaintes existent, elles font en outre face à un avenir judiciaire plus qu’incertain. En 2022, 55 % des affaires
à caractère raciste ont été classées sans suite, soit bien plus que dans le contentieux général. On note aussi un recul de
17 % du nombre d’affaires à caractère raciste orientées par les parquets, et un recul de 16 % du nombre de personnes
mises en cause pour des infractions à caractère raciste.
La CNCDH n’hésite pas à parler de « désengagement » pour qualifier l’action de l’État afin de faire reculer le racisme,
l’antisémitisme et la xénophobie en France. Ainsi, de manière inédite depuis trente-quatre ans, le gouvernement ne
s’est pas conformé à la prescription de la loi de 1990 qui prévoit la remise officielle au premier ministre du rapport
annuel de la CNCDH. « Tous les autres gouvernements avaient saisi cette opportunité pour échanger avec l’institution
sur les moyens de lutter plus efficacement contre le racisme sous toutes ses formes ».
Elle estime aussi regrettable que le gouvernement se soit montré « trop attentiste » devant l’explosion des actes
antisémites après le 7 octobre 2023. « Il aurait dû mobiliser tout de suite l’appareil de l’État, en accélérant la mise en
oeuvre du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations adopté par Élisabeth Borne
début 2023. » Le comité de suivi de ce plan s’est réuni en mars 2024, sans communiquer sur ses avancées, regrette le
Conseil. Aurore Bergé, ministre chargée des discriminations, a finalement lancé le 6 mai dernier des « Assises de lutte
contre l’antisémitisme ». Puis la dissolution a tout balayé.
en 2023. La « figure de l'immigré » est particulièrement visée. La CNCDH pointe la responsabilité du RN et des
acteurs médiatiques, mais également l’inconséquence du gouvernement.
« L’immigré, réceptacle commode de toutes les critiques, a été régulièrement pointé du doigt comme responsable
des difficultés rencontrées dans nos sociétés. » C’est par ces mots Jean-Marie Burguburu, président de la
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), commente les résultats de la 34 édition de son
rapport, remis jeudi 27 juin au gouvernement. Une sentence qui résonne fortement à quatre jours du premier tour des
élections législatives. Ces élections anticipées pourraient faire grossir de manière exponentielle les rangs des
député·es Rassemblement national (RN), un parti qui a fait de l’immigration sa bête noire.
Un sujet que n’esquive pas le rapport, malgré le contexte électoral électrique : « Depuis plusieurs années, le
Rassemblement national bénéficie d’une audience accrue, dans les urnes, mais aussi dans les médias et les institutions,
particulièrement avec l’arrivée de 88 députés de ce parti à l’Assemblée nationale. Avec lui, c’est aussi tout un ensemble de
figures médiatiques et d’intellectuels qui donnent de la voix et essayent d’imposer leurs manières de voir l’immigration et
la diversité. Cette parole est relayée par un nombre croissant de télévisions, radios, journaux et comptes de réseaux
sociaux. »
Le 13 juin, Jean-Marie Burguburu était d’ailleurs sorti de sa réserve, comme en 2002, pour appeler les Français·es « à
faire barrage aux candidats de l’extrême droite » lors des élections législatives, considérant que le Rassemblement
national s’oppose de façon « frontale, directe, [aux] principes d’égalité, de fraternité et de liberté ».
Mais la CNCDH, rapporteuse nationale indépendante sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie,
n’épargne pas non plus l’exécutif en place. Cette focalisation sur l’immigré, et notamment le travailleur immigré, s’est
particulièrement déployée à l’occasion du débat politique autour de la loi asile et immigration, portée par le ministre
de l’intérieur Gérald Darmanin et examinée en 2023.
Récemment, le président de la République lui-même parlait, pour qualifier les mesures du Nouveau Front populaire
(NFP), d’un programme « immigrationniste ». Un mot de l’extrême droite, pour décrédibiliser son adversaire.
Une baisse de la tolérance notable.
Le rapport note aussi, avec inquiétude, un fléchissement de « l’indice longitudinal de tolérance » pour la deuxième
année consécutive, après de nombreuses années de hausse continue. Cet indice mesure tous les ans l’évolution des
préjugés sur une échelle de 0 à 100. Plus l’indice se rapproche de 100, plus il reflète un niveau de tolérance élevé.
S’établissant pour 2023 à 62 sur 100, il recule de trois points par rapport à l’an passé. Cette baisse de la tolérance
touche toutes les minorités, les plus visées étant, de loin, les populations rom et musulmane.
Là encore, l’organe indépendant relève des événements en particulier à l’occasion desquels la parole raciste s’est
libérée : les émeutes et révoltes dans les quartiers populaires ayant suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre, mais
également l’affaire de Crépol, où le cadrage médiatique a été particulièrement inconséquent, voire mensonger (lire ici
notre enquête).
Tout le monde n’est d’ailleurs pas atteint de la même façon, et la CNCDH souligne que le clivage droite-gauche
continue, en la matière, de servir de paratonnerre : « Entre gauche et droite, les écarts [de tolérance] sont de 23 points,
soit du même ordre qu’entre les générations nées avant 1955 et après 1987, démontrant combien ces deux camps divergent
dans leur appréciation de la diversité et des minorités. »
Un antisémitisme en très nette augmentation
« Ce recul soulève de sérieuses questions quant à l’évolution du vivre-ensemble », pointe le rapport. Cette année, pour la
première fois depuis 2005, « c’est l’indice de tolérance relatif aux juifs qui a le plus chuté en un an, avec une baisse de
quatre points à comparer à celle d’un point pour les Maghrébins et les Noirs, de deux points pour les musulmans, et de
trois points pour les Roms ».
Une année 2023 également marquée, depuis le 7 octobre, par un nombre d’actes antisémites « exceptionnellement
élevé, qui rappelle de manière brutale la persistance de l’antisémitisme dans notre pays ». 1 676 actes antisémites ont été
comptabilisés en France en 2023, soit quatre fois plus qu’en 2022, ce qui constitue « une hausse inédite » depuis
l’année 2000 et le début de la seconde Intifada. « Le conflit israélo-palestinien a souvent déclenché en France des vagues
d’antisémitisme mais jamais à un tel niveau », selon le document.
Au total, le pays a connu 32 % d’actes racistes en plus en 2023, d’après les données du ministère de l’intérieur – en
particulier les actes à caractère antisémite qui explosent : + 284 %. Cette augmentation des actes racistes entre
octobre et décembre 2023 (1 242 actes racistes recensés) « alimente un fort sentiment d’insécurité tant parmi les
Français juifs que musulmans ».
Et c’est le sentiment anti-immigrés qui apparaît « le plus corrélé aux autres formes de haine et d’intolérance captées
par le baromètre ». Ainsi, selon le principe renversé de l’intersectionnalité, une personne rejetant fortement les
immigrés « sera plus encline à exprimer par ailleurs une opinion misogyne, antisémite, anti-islam, anticommunautariste,
à se dire raciste ou à considérer qu’il existe des races supérieures à d’autres ».
Même si le racisme à fondement biologique est en net recul dans l’opinion, le racisme mute vers sa dimension
« culturelle et identitaire », qui consiste « à invoquer l’incapacité supposée des immigrés et des étrangers à se conformer
aux normes et aux valeurs de la société d’accueil ».
Rien d’étonnant, dans un tel contexte, à ce que les discriminations liées à l’origine ne faiblissent pas non plus,
notamment dans le monde du travail. En 2023, le baromètre du Défenseur des droits indique que plus de la moitié
des saisines reçues par l’institution en matière de discrimination liée à l’origine se sont déroulées dans la sphère
professionnelle. L’Insee montre de son côté que la discrimination raciale à l’embauche est massive, en particulier à
l’encontre des candidates et candidats issus de l’immigration.
Réaction pusillanime du gouvernement
La CNCDH le sait et l’admet : les données qu’elle collecte souffrent d’une « invisibilisation de l’ensemble des actes
racistes non déclarés, qui échappent à la justice ». Les chiffres du ministère de l’intérieur ne représentant donc qu’une
infime partie des actes racistes commis en France, « la sous-déclaration massive du racisme contribue à entretenir une
impunité face à ces actes, lèse les victimes et porte atteinte à la cohésion sociale ». Ce « chiffre noir », qui serait la réelle
mesure du racisme en France, manque encore, près de quarante ans après la création de l’ancêtre de la CNCDH.
Quand les plaintes existent, elles font en outre face à un avenir judiciaire plus qu’incertain. En 2022, 55 % des affaires
à caractère raciste ont été classées sans suite, soit bien plus que dans le contentieux général. On note aussi un recul de
17 % du nombre d’affaires à caractère raciste orientées par les parquets, et un recul de 16 % du nombre de personnes
mises en cause pour des infractions à caractère raciste.
La CNCDH n’hésite pas à parler de « désengagement » pour qualifier l’action de l’État afin de faire reculer le racisme,
l’antisémitisme et la xénophobie en France. Ainsi, de manière inédite depuis trente-quatre ans, le gouvernement ne
s’est pas conformé à la prescription de la loi de 1990 qui prévoit la remise officielle au premier ministre du rapport
annuel de la CNCDH. « Tous les autres gouvernements avaient saisi cette opportunité pour échanger avec l’institution
sur les moyens de lutter plus efficacement contre le racisme sous toutes ses formes ».
Elle estime aussi regrettable que le gouvernement se soit montré « trop attentiste » devant l’explosion des actes
antisémites après le 7 octobre 2023. « Il aurait dû mobiliser tout de suite l’appareil de l’État, en accélérant la mise en
oeuvre du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations adopté par Élisabeth Borne
début 2023. » Le comité de suivi de ce plan s’est réuni en mars 2024, sans communiquer sur ses avancées, regrette le
Conseil. Aurore Bergé, ministre chargée des discriminations, a finalement lancé le 6 mai dernier des « Assises de lutte
contre l’antisémitisme ». Puis la dissolution a tout balayé.