Sujet, verbe, compliment
Subject 13 démarre par une cinématique d’introduction présentant une voiture en train de couler dans une grande étendue d’eau. A son bord se trouvait Franklin Fargo, un professeur de physique qui voulait semble-t-il en finir avec la vie. Alors qu’il s’apprête à rencontrer son créateur, le binoclard se réveille dans une capsule expérimentale que n'aurait pas reniée le film « La Mouche » de Cronenberg avec la voix robotique d'une intelligence artificielle comme seule compagnie. Celle-ci l'appelle « Subject 13 » ce qui laisse à penser que douze autres cobayes ont échoué avant lui. Votre mission sera de vous échapper de cette installation scientifique et de découvrir pourquoi vous étiez retenu captif ici. Un objectif simple en apparence mais ô combien complexe en réalité compte tenu des dizaines de puzzles tordus qui vous attendent.
Avec son nouveau soft, Paul Cuisset tente de faire revivre le jeu d’aventure traditionnel dans la lignée des Myst et autres Zork. Le gameplay se décompose ainsi en deux phases distinctes : une phase d’exploration à la troisième personne dans les décors bétonnés du labo puis paradisiaques d’une île mystérieuse (pour récupérer de nouveaux objets et changer de lieu), et une phase de réflexion en vue intérieure où il faut manipuler des objets dans tous les sens pour résoudre des puzzles. Notre héros se dirige directement au stick analogique gauche et une indication apparaît en bas à droite de l'écran quand une action est réalisable avec le bouton Croix : obtenir une description, interagir avec ou prendre un objet. A l'aide du bouton R2 Franklin peut presser le pas et on accède à l'inventaire visible en permanence à gauche de l'écran à l'aide des directions de la croix.
Les phases de remue-méninges font intervenir la plupart du temps des éléments précis du décor modélisés avec précision et zoomés pour pouvoir les étudier sous toutes les coutures. Un tableau de commande, un pupitre de contrôle, une armoire ou encore un coffre se retrouvent devant nos yeux, isolés du reste de la pièce, pour bien les décortiquer. On peut alors appuyer sur des boutons, abaisser des leviers, ouvrir des portes et surtout tourner autour pour repérer des cachettes ou de mécanismes planqués. Les objets de notre inventaire sont en 3D et constituent eux aussi des énigmes à part entière. Une simple échelle par exemple (qui tient dans la poche de notre héros, allez savoir comment) ne pourra être sollicitée qu’après avoir été dépliée depuis l’inventaire. L'utilisation du moindre objet n'est jamais simple et demande au préalable un petit bidouillage. On ne peut que s'incliner devant l'inventivité de certaines ouvertures comme ce « Livre des 100 » aussi compliqué à ouvrir qu'un grimoire de Resident Evil HD. Les amateurs de puzzles du style « taquin », « démineur » et d'énigmes mathématiques trouveront de quoi agiter leur matière grise.
Franklin le tordu
Assez rapidement on comprend que le scénario de Subject 13, distillé petit à petit grâce à de nombreux journaux audio cachés et aux réflexions de notre geôlier artificiel, ne sert que de prétexte à une succession de casse-têtes. Le principal intérêt de cette production réside dans ses puzzles au détriment de la narration éclatée et sans grande importance, avouons-le. Pour ce qui est de se prendre la tête en revanche on en a pour notre argent. La petite somme de 6,99€ demandée pour y jouer est largement amortie par certaines envolées intellectuelles d’une telle complexité que l’usage de l’aide (bouton L1) est recommandée voire indispensable par moments. Deux ou trois puzzles méritent même leur petit coup de visionnage sur Youtube tant on peine à comprendre ce qui est attendu de nous. Le jeu ne nous prend pas vraiment par la main et n’est pas dans un esprit didactique, tout comme The Witness paru cette année qui entretenait le mystère tout au long de son aventure. Au moins les quatre chapitres assurent une durée de vie comprise entre quatre et cinq heures selon votre niveau, ce qui est très convenable pour le prix d’un menu Best of.
Avec toutes ses qualités cognitives nous serions presque tentés de vous conseiller l’achat de Subject 13 les yeux fermés, s’il n’était pas autant parsemé d’imprécisions et de défauts de jouabilité. A l'image des précédentes œuvres de monsieur Cuisset, celle-ci est handicapée par une prise en main catastrophique, irritante au possible. La caméra déjà, fixée sur un angle telle une caméra de surveillance et orientable avec le stick analogique droit, ne permet jamais de bien apprécier les lieux et les situations. Souvent trop lointaine, parfois trop proche, elle cache par moment notre Franklin ou des éléments clés comme ce casque à remplir d'eau, impossible à voir du premier coup d’œil. Notre héros, ensuite, peine à se déplacer correctement, bloqué contre des éléments fantômes du décor ou entraîné dans une telle inertie lors des courses qu'il dérape comme une vieille savonnette dans une baignoire au moment de stopper. Enfin, le clou du spectacle revient aux manipulations d'objets clairement pensées pour une souris et qui peinent à convaincre à la manette. Les ouvertures, les coulissements, les déplacements ou les rotations sont pénibles et répondent mal au stick analogique, en étant soit trop lents soit trop rapides mais rarement bien calibrés ou explicites. On a connu beaucoup plus intuitif et l'effet sur les nerfs est plus usant que de sécher sur un puzzle. C'est dommage parce que la réalisation boostée au moteur Unity s'en sort à peu près convenablement et les doublages anglais sous-titrés en français ainsi que les musiques sont dans le ton science-fiction qui baigne l’œuvre dans son ensemble.
sophocle
Vincent