Test This War of Mine : The Little Ones

Publié le par Vincent
PS4

Précédé d’une réputation d’œuvre indépendante bouleversante sur la survie en temps de guerre, This War of Mine arrive sur consoles le vendredi 29 janvier au prix de 29,99 euros.

S’inspirant du siège de Sarajevo, les développeurs de 11 Bit Studios vont à contre-courant des attentes du public console en proposant non pas un jeu de guerre mais un jeu qui traite de la guerre du point de vue des survivants. A la manière d’un terrarium permettant d’observer des insectes dans une reproduction de leur milieu naturel, la coupe latérale de bâtiments en ruines met en lumière une forme de vie tout aussi insignifiante en cas de conflit : les civils. A vous de les faire tenir jusqu’au cessez-le-feu.

40 jours et 40 nuits

This War of Mine met tout de suite dans le bain en ne s’ouvrant pas sur l’habituel menu « Nouvelle Partie » mais sur un « Survivre » nettement plus explicite. Ici il ne sera pas question d’autre chose que de prendre en main le destin de gens ordinaires placés dans un contexte extraordinaire, à savoir une guerre civile qui les oblige à tenir un siège. Vivre cloîtrés dans une baraque le jour et se déplacer la nuit pour trouver des vivres sera votre unique mission durant cette (longue) attente d’une aide extérieure.

Le soft de 11 Bit Studios propose de se lancer à l’aveugle dans une situation proposée par le jeu ou de créer votre propre histoire, en sélectionnant les personnages de départ, le nombre de jours à survivre, l’intensité du conflit, l’arrivée / la longueur / la rudesse de l’hiver et les lieux auxquels vous aurez accès. Pratique pour se relancer dans une nouvelle partie même s’il est préférable de laisser le jeu tirer les cartes la première fois pour vraiment savoir si vous pourriez survivre avec n'importe qui. Les héros du quotidien possèdent tous une fiche détaillée (âge, profession, habitudes en temps de paix, sentiments du moment) et une photo en noir et blanc qui renforce l'empathie. Avoir l'impression de diriger un humain avec sa propre personnalité et non un pantin numérique décuple le lien qu'on peut avoir avec eux. Et même si leurs plaintes physiologiques du style « j'ai faim » ou « j'ai envie de dormir » les feraient passer pour de vulgaires Sims, les voir tituber quand ils sont faibles ou déprimer au point de douter de leur volonté à survivre nous touche forcément.

Puisque la responsabilité de leurs vies nous incombe, nous commencerons par fouiller leur refuge à la recherche des premiers objets indispensables à la fabrication d’un confort rudimentaire : lit, cuisinière, chaudière, récupérateur d’eau de pluie seront le minimum pour les sustenter en nourriture et en sommeil. Ensuite on songera à leur santé mentale avec un fauteuil pour lire des bouquins et une radio pour se détendre avant de rapidement se rendre compte qu’il manque des matériaux, des vivres, des médicaments et des matières premières.  Pour en trouver, vous n'aurez pas d'autre choix que de quitter votre planque pour aller chercher à l'extérieur de quoi tenir un jour de plus. Le gameplay se scinde rapidement en deux cycles : de jour on soigne nos civils (les nourrir, panser leurs blessures, les faire dormir, les guérir) et on améliore leur habitat (bricolage de meubles, de machines, de barricades), alors que de nuit on désigne celui qui partira grappiller tout ce qu'il peut dans un lieu désigné (la taille du sac est limitée alors il faut prioriser ses récoltes) pendant que les autres roupilleront ou surveilleront l’abri. Une routine qui va se répéter inlassablement chaque jour de votre périple. Forcément, à la longue, l'impression de faire toujours la même chose est palpable même si quelques visites impromptues (un troqueur ou des mendiants qui viennent toquer) et certains événements aléatoires bousculent nos habitudes.

Être ou ne pas être (mauvais) ?

En temps de crise l’imprévu qui frappe à la porte vient généralement avec une arme à la main et un sac vide à remplir. Et malheureusement, il n’est pas rare de rentrer de votre expédition nocturne et de tomber sur un message vous informant que des pillards sont venus sévir chez vous pendant votre absence, blessant vos compagnons dans la foulée. Le moral en prend forcément un coup, surtout quand vous êtes sorti récupérer de la nourriture déshydratée et qu’on vous a volé l'eau pour la faire cuire. Le désespoir gagne vos rangs, vous êtes obligé de sauter (encore) un repas, vous ne pouvez pas dépanner des gosses qui viennent mendier à manger et vous devez attendre la nuit pour repartir en quête d'une gamelle. La prochaine sera la bonne croyez-vous mais non, pas encore, pas celle-là, parce que vous vous obstinez à suivre une ligne de conduite et à visiter en priorité les lieux inhabités et donc peu propices aux vraies trouvailles. A bout de souffle, voyant vos amis dépérir, une réflexion immorale vous traverse l'esprit : et si vous voliez à votre tour pour survivre ?


Cherchant délibérément à nous mettre dans une situation inconfortable, les développeurs font tout pour nous pousser dans nos derniers retranchements, quitte à nous mettre volontairement des bâtons dans les roues. Les voleurs débarquent toujours quand le frigo est plein et tenter l’autarcie (en collectant l’eau de pluie, en cultivant des plantes, en posant des pièges à animaux) s'avère bien moins payant que de racketter des clochards ou de cambrioler des pavillons. Au final, par facilité ou nécessité (au choix), on est forcé d'abandonner nos principes et de faire aux autres ce qu'on n'a pas aimé qu'ils nous fassent. Tant pis si le chapardage des boîtes de conserves coûte la vie à une famille, tant pis s'il faut suriner un pauvre type pour lui prendre ses biens, tant pis si on doit refuser l'accueil d'enfants parce qu'ils sont de nouvelles bouches à nourrir. This War of Mine a pour vocation de nous montrer l'horrible visage de la guerre et il y parvient en diffusant une ambiance déprimante où aucun choix n'est le bon. La réalisation graphique très sombre, peu colorée, avec un effet crayonné et une absence de doublage ou de musique (remplacée par des bruits de bombardements) n'incite pas à la joie de vivre non plus.

Cette mouture console rajoute la présence d'enfants (d'où le sous-titre The Little Ones) pour faire pleurer dans les chaumières. Ces derniers ne peuvent (heureusement) pas mourir mais prennent la fuite si vous ne vous en occupez pas assez. Plus insouciants que les adultes, il faut les divertir davantage mais en contrepartie ils amusent la galerie et remontent le moral des troupes. Mis à part ça, leur utilité est réduite puisqu'ils ne peuvent pas participer à la collecte nocturne (et aider à cambrioler) ni faire les poches du marchand ambulant ou l'amadouer quand il est là. Au final, ils représentent plus une contrainte supplémentaire qu'un apport (comme dans la vraie vie).

Notre verdict

On aime

  • La guerre d’un autre point de vue
  • De la survie réaliste et prenante
  • Des choix moraux lourds sur la conscience
  • Des personnages attachants et travaillés
  • Un refuge exclusif à la PlayStation 4

On n'aime pas

  • Répétitif, forcément
  • Textes trop petits
  • Les événements aléatoires souvent injustes
  • Sans histoire ni autre but que de jouer la montre
  • L'obligation de devenir un mauvais gars

Dans la catégorie restreinte des jeux de survie, This War of Mine : The Little Ones fera date tant il arrive à restituer l’horreur de la guerre quand on est un simple civil coincé entre le marteau et l’enclume. Les réflexes du quotidien comme se nourrir, se chauffer ou se reposer deviennent si fragiles ici que ça relativise nos habitudes. Les personnages ont un background suffisamment travaillé pour que leur devenir nous concerne, au point de passer du côté obscur de la morale pour les faire tenir un jour de plus. Dommage que le jeu nous incite tellement à franchir la frontière de l’immoralité que les choix moraux se transforment vite en mal nécessaire (obligatoire) pour survivre. Difficile de ne pas se salir les mains en temps de crise.

Note finale : 7.5 / 10
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