Test Fear Effect (portage)

Publié le par Vincent
PS5

Le 29 octobre dernier, l’éditeur Limited Run Games, en collaboration avec Square Enix, a officialisé l’arrivée future de Fear Effect 2 : Retro Helix sur PlayStation 5, PlayStation 4, Switch et PC pour l’année 2026. L’annonce de ce portage, réalisé par Implicit Conversions, est l’occasion de nous replonger dans le premier opus lancé en toute discrétion sur le PlayStation Store le 29 août 2025.

Lost in traduction

Le destin de Fear Effect mérite qu’on s’y attarde un moment. Réalisé par le studio Kronos Digital Entertainment (aujourd’hui disparu) et édité par Eidos Interactive (racheté depuis par Square Enix), ce jeu fut lancé en 2000 sur la première PlayStation. À l’époque ce fut une petite révolution visuelle, car il utilisait la technologie Motion FX, à savoir des personnages en 3D qui se déplacent dans des univers vidéo dynamiques et animés. On lui a trop souvent attribué d’être le pionnier du cel-shading du fait de son aspect manga très prononcé, mais il s’agit en réalité de deux techniques différentes. Malgré son titre qui lorgne du côté du survival-horror à la Resident Evil, il est davantage un jeu d’action qui glisse vers le surnaturel qu’un distributeur de frousse. Suite au succès du premier volet, un second opus fut rapidement mis en chantier avec une sortie à peine un an plus tard. Un troisième opus, sous-titré Inferno, fut un temps annoncé sur PlayStation 2 avant d’être annulé à la fermeture du studio. En 2016, le studio indépendant français Sushee a lancé une campagne Kickstarter pour réaliser un remake du premier jeu et ainsi ressusciter la licence. Ce sera finalement un spin-off de piètre qualité – Fear Effect : Sedna – qui sortira en 2018 sur consoles et PC, enterrant par la même occasion le remake appelé Fear Effect Reinvented.

Nous revoilà en 2025, le 29 août plus précisément, lorsque le premier Fear Effect débarque sur le PlayStation Store de la PlayStation 5 et de la PlayStation 4 pour 9,99€. Pas de trailer de lancement, pas d’annonce en fanfare, un simple shadow drop dont la fiche produit contient déjà trois mauvaises nouvelles. La première, c’est que le jeu, bien qu’étant un « classique » de la PlayStation, n’apparaît pas directement dans la bibliothèque des membres PlayStation Plus Extra contrairement aux autres titres de retrogaming. Il faut repasser à la caisse, même avec l’abonnement le plus élevé, pour jouer à un titre qui a un quart de siècle.


Autre mauvaise nouvelle, les doublages ne sont proposés qu’en anglais alors que le jeu original jouissait de voix françaises de très bonne qualité. Il s’agit simplement de la version originale… qui va jusqu’à sacrifier les sous-titres français (la troisième mauvaise nouvelle) alors qu’ils étaient bel et bien inclus dans le premier jeu et sa suite. Les francophones ne pourront qu’être déçus de ce rétropédalage qui nuira à la compréhension de certains, bien que les dialogues et textes soient relativement simples à comprendre. L’explication à cette amputation ? Le fait qu’il s’agisse d’une émulation non chapeautée par Sony Interactive Entertainment, contrairement aux autres « classiques », et qui n’utilise donc pas la même interface. Dans le cas présent, on a l’impression de lancer une ROM depuis un autre émulateur, avec dans un premier temps les logos des studios actuels puis ceux d’origine. Nous ne retrouvons pas les mêmes paramétrages concernant les visuels, les vidéos, les couleurs, l’attribution des touches, le changement de disque et le changement de région (NTSC / PAL) qu’avec les autres portages PSX.

Il devait s’appeler Fear Factor

L’émulation maison d’Implicit Conversions offre tout de même quelques options indispensables en surcouche : l’abandon du mode 50 Hz propre au signal PAL, un rembobinage pour revenir quelques secondes en arrière, des sauvegardes rapides pour sécuriser notre progression à la demande, une prise en charge des sticks analogiques pour déplacer notre personnage à 360° en lieu et place du mode tank original (toujours présent à la croix directionnelle), un mode plein écran éliminant les bandes noires d’époque et quelques filtres graphiques comme l’effet bombé du tube cathodique et différents modèles d’écrans CRT. On gagne ainsi nettement en confort : on ne repart plus de la dernière sauvegarde imposée en cas de mort prématurée mais simplement quelques secondes avant, notre avatar n’a plus besoin de tourner sur lui-même pour changer de direction à chaque couloir et il n’y a plus besoin de changer de CD en cours de partie, lui qui tenait sur quatre disques. En contrepartie on perd en compréhension sans les traductions et on a les yeux qui piquent devant tant de pixels. La technologie Motion FX reposant sur des courtes séquences vidéo compressées en guise de décors, ce qui passait sur un téléviseur de 52 cm de l’an 2000 arrache la rétine sur un écran full array LED 4K de 140 cm en 2025. Les filtres n’ont que peu d’effet sur le vieillissement vidéo, les arrières-plans donnent l’impression de regarder les premières streams Internet en basse résolution avec des carrés bien visibles à l’écran. Heureusement qu’au bout d’un moment l’œil semble s’habituer aux artefacts visuels et que le format original, moins zoomé, paraît plus net.

Outre l’aspect « bouillie de pixels », le poids des années nous tombe aussi dessus concernant le gameplay en lui-même, entre des hommes de main clonés et statiques qui font seulement acte de présence au lieu de réellement nous traquer, une intelligence artificielle aux fraises qui semble nous oublier d’un écran à l’autre, une visée automatique qui tue toute dextérité et des commandes pas immédiatement intuitives. En effet, le bouton d’action est placé sur Triangle, les boutons Carré et Rond servent à faire défiler l’inventaire de gauche à droite en temps réel et Croix sert à tirer. La gâchette R1 sert à courir, R2 à se baisser, L2 à effectuer une roulade et L1 à faire un demi-tour. Dans les faits, la roulade se heurte aux limites des décors en couloirs devenant rapidement inutile et le demi-tour ne sert plus depuis le passage aux commandes analogiques.

Heureusement que ce portage de Fear Effect conserve quelques qualités d’antan, comme son scénario honnête qui nous fait voir quatre environnements très différents (une équipe de mercenaires devant retrouver la fille d’un homme d’affaires chinois), ses trois personnages jouables (Hana, Glas et Deke), la possibilité de viser simultanément deux ennemis quand on porte deux armes à la fois et le système de santé basé sur un électrocardiogramme qui s’emballe en fonction des événements. Sans être totalement abouti, ce subterfuge devait à l’origine nous faire ressentir la peur de notre personnage face aux événements, avec une accélération du rythme cardiaque dans les moments stressants pouvant provoquer la mort du héros. Dans les moments plus calmes, un retour à la normale devait ralentir son cœur et donc prolonger sa longévité. Dans les faits, on meurt davantage sous les balles, dans des explosions ou des conséquences de l’échec à certains puzzles, des petites énigmes étant régulièrement disséminées durant les sept heures demandées pour boucler l’aventure la première fois. Pour les connaisseurs, un trophée impose de le terminer en moins de trois heures et un Platine est à débloquer.

Notre verdict

On aime

  • Le rembobinage
  • Les sauvegardes rapides
  • Les déplacements à 360°
  • Les trophées
  • Plus besoin de changer de CD
  • La nostalgie, bien sûr

On n'aime pas

  • Les doublages français ont disparu
  • Les textes français aussi
  • Très pixélisé sur nos écrans modernes
  • Le gameplay vieillot
  • Non inclus dans l’abonnement PS Plus Premium

Des bons souvenirs que nous avions de Fear Effect au début du siècle, ce portage sec sur PlayStation 5 nous laisse un arrière-goût amer en raison d’une perte de traduction (plus de doublages ni de textes français), d’un visuel basé sur des vidéos basse-définition qui piquent les yeux aujourd’hui et d’un gameplay qui a pris un gentil coup de vieux en 2025. La nostalgie étant de l’ordre de l’émotionnel et non du rationnel, on peut néanmoins prendre un peu plaisir à y retourner pour un speed run dans de meilleures conditions qu’à l’époque, le rewind, les sauvegardes rapides, les déplacements à 360° et l’absence de coupures disques faisant la différence.

Note finale : 6 / 10
Les commentaires
Le
Tu a été courageux.
Le jeu original a vraiment été une claque, comme tu le dis si bien. C'est fou comme nos pépites de jeunesse ont parfois pu disparaitre du paysage. Et dans ce cas, très difficilement renaître.
Le
Comme disait la Reine des Neiges "le passé est passé."

Jeux concernés

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