Chez l’éditeur français Microids, la romancière Agatha Christie est dans ses petits chaussons. D’un côté avec les jeux originaux centrés sur Hercule Poirot – The First Cases et The London Case – avec une vue du dessus façon jeu de plateau. De l’autre, les portages en jeux vidéo de ses livres cultes The ABC Murders, Le Crime de l’Orient-Express et l’incontournable Mort sur le Nil que voici. Ces derniers sont des jeux d’enquêtes à la troisième personne avec une vue de dos plus traditionnelle, des dialogues et des énigmes.
Hercule, le demi-vieux
Alors que l’histoire originale prend place dans les années 1930, cette relecture situe son action dans les années 70, avec les lumières, les paillettes et les couleurs criardes sur les vêtements d’époque. C’est dans une ambiance plus disco que jazzy que démarre notre aventure, aux commandes du célèbre détective belge Hercule Poirot. Dans la boite de nuit « Chez ma tante », il est témoin d’une demande en mariage avortée, et des échanges entre Jacqueline de Bellefort venue présenter son fiancé Simon Doyle à sa meilleure amie Linnet Ridgeway. La première profite des présentations pour demander à son amie Linnet un emploi pour son cher et tendre. Six mois plus tard, lors d’un voyage touristique en Égypte, notre enquêteur tombe sur Linnet et Simon, désormais mari et femme, tombés amoureux à force de se côtoyer au travail. Une situation qui déplaît fortement à Jacqueline, l’amoureuse évincée, prête à se venger de son ex-meilleure amie voleuse d’homme…
Ce synopsis marque le point de départ d’une affaire que certains d’entre vous doivent déjà connaître pour avoir notamment visionné le film éponyme de 2022 réalisé par Kenneth Branagh avec Gal Gadot et Emma Mackey. Et c’est justement à ceux qui connaissent déjà l’intrigue qu’a pensé le studio lyonnais de Microids en introduisant une histoire parallèle inédite aux commandes d’une jeune détective privée en la personne de Jane Royce. Celle-ci suit sa propre vendetta après l’assassinat de son amie Emmy juste avant de faire des révélations sur son employeur. Une belle façon de tenir le fan en haleine, d’apporter de l’épaisseur à l’histoire, d’augmenter la durée de vie et de laisser le joueur faire des choix moraux qui auront des conséquences sur la suite.
Côté gameplay, les deux héros se jouent de la même façon, en alternant des dialogues avec les PNJ sous forme de questions-réponses sans fioriture, en espionnant des conversations en toute discrétion et en confrontant les suspects à leurs propres mensonges lors de face-à-face. Très porté sur les discussions, le jeu propose aussi quelques casse-têtes sous forme de manipulations d’objets plutôt accessibles. La reconstitution chronologique des faits boucle généralement les investigations et la désignation du coupable. On est ici assez loin d’un épisode des Experts alors aucune analyse scientifique poussée des indices n’est à constater, comme on peut aussi en trouver dans les jeux de la gamme Sherlock Holmes. En revanche, nous avons accès à des fiches de personnages à remplir nous-même (nom, prénom, profession, secrets) et à la carte mentale, sorte de constellation réunissant notre journal de fin limier et nos objectifs en cours : aborder un certain nombre de sujets avec telle(s) personne(s), trouver tant d’objets dans telle pièce et faire des déductions en liant plusieurs éléments entre eux. Les ramifications de la carte sont parfois nébuleuses, donnant presque un sentiment de vertige devant tant de choses à faire, mais la progression s’avère finalement fluide et intuitive en raison du côté un peu simpliste des enquêtes. Par défaut le jeu est en difficulté « Histoire », privilégiant la narration aux remue-méninges, avec des indices illimités, une tolérance infinie aux erreurs et des objectifs clairement définis. Deux autres modes sont proposés pour corser un peu la difficulté, le mode Détective se voulant l’équilibre entre scénario et énigmes, et la difficulté Herculéenne où on retire les petites roulettes. Naturellement on peut passer d’un mode à l’autre en cours de partie au gré de nos envies.
Poirot vinaigrette
L’unité de lieu étant inviolable, Hercule et Jane résolvent toujours leurs enquêtes sur place, dans des décors limités à des lieux clos, mais qui récompensent quand même les fouineurs qui iront dénicher des moustaches de bronze planquées dans les décors ainsi que des vinyles d’or. Une monnaie d’échange à utiliser dans le musée du jeu, une galerie en 3D combinant bande sonore et arts visuels. Le jeu s’étale sur un prologue et une douzaine de chapitres, soit autant d’occasions d’admirer des extérieurs / intérieurs assez jolis bien qu’inégaux, les graphismes sous Unity passant du tape-à-l’œil au presque repoussant. Ils sont pour la plupart statiques (les feuilles des arbres ne bougent pas, les éclairages pré-rendus), à l’image de leurs personnages raides dans leurs déplacements et peu expressifs. La direction artistique volontairement « bande dessinée » nous éloigne de la course au photoréalisme, alors on va dire que le charme opère encore pour notre dandy à moustache.
Le titre a l’excellente idée de proposer des doublages français inspirés sur l’intégralité des dialogues (également sous-titrés en français) pour une immersion totale et une compréhension paresseuse. En contrepartie il n’est pas possible d’accélérer ni de passer les dialogues si on lit les sous-titres plus rapidement qu’on n’écoute les bavardages. Le rythme est ainsi imposé et posé. Les musiques sont quant à elles plus entraînantes (ambiance 70’s oblige) mais ont tendance à boucler rapidement et sont mêmes répétitives au sein de la carte mentale dans laquelle on passe un sacré bout de temps. J’ai personnellement baissé le volume de la musique dans le menu dédié pour privilégier les dialogues moins audibles, surtout lors des monologues intérieurs un peu étouffés. Enfin, la durée de vie affiche une bonne quinzaine d’heures au compteur, ce qui est un très bon rapport quantité / prix pour un titre vendu à 39,99€ en numérique et 49,99€ en boite (pouvant se trouver à 33,66€ dans les meilleurs supermarchés !). Notez qu’une édition limitée physique contenant la bande-son digitale, un marque-page et un artbook papier de 48 pages existe également au même prix pour les collectionneurs.
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