C’est le jour ou la nuit
Gloomy Eyes est l’adaptation en jeu vidéo d’une expérience de réalité virtuelle (VR) éponyme, un genre de série d’animation interactive de trois épisodes racontée par Tahar Rahim (en VF) et Colin Farrell (en VO). L’histoire prend place dans un monde où le soleil, las de la bêtise humaine, a décidé de ne plus se lever, laissant les humains dans une nuit éternelle. Entre tristesse et désespoir, magie et surnaturel, ce nouveau monde fait cohabiter de force des vivants et des morts-vivants aux intérêts opposés : les premiers ont besoin de lumière et les seconds d’obscurité. C’est au milieu de ce conflit ouvert qu’une lueur d’espoir va naître, quand Gloomy, un garçon zombie à qui il manque un morceau de crâne, rencontre Nena, une fillette espiègle à gros yeux. Ensemble, notre improbable duo va coopérer pour ramener la lumière du jour.
Ce conte macabre qui n’aurait rien à envier à une production Tim Burton base son gameplay sur de la « self-coop », c’est-à-dire une aventure solitaire qui exige d’alterner entre les personnages pour résoudre des énigmes environnementales. A la manière d’un vieux The Lost Vikings, chaque personnage possède ses propres capacités dont le joueur à besoin pour progresser dans chaque niveau. Le cadavre peut par exemple porter des objets lourds, lancer des bûchettes, passer à proximité de ses congénères, mais doit fuir la lumière tandis que l’humaine est une proie pour les zombies mais peut sauter au-dessus de trous, monter aux échelles ou placer des fusibles sur des générateurs électriques. Tout l’enjeu des quatorze chapitres prenant la forme de dioramas rotatifs - orientables à 360° en mettant pause - est de savoir quelles actions réaliser avec qui, quand et comment. En apparence simples au début, les puzzles intelligents grimpent en difficulté une fois passée la première moitié du jeu, à mesure que les situations se complexifient. Vous connaissez cette devinette où on vous demande de faire traverser un fleuve en barque à un berger avec un loup, une chèvre et un chou ? C’est l’état d’esprit dans lequel ont été construits ces niveaux au level design inspiré et qui récompensent la curiosité par l’obtention d’items souvenir planqués.
Entre quatre yeux
Les commandes sont immédiatement assimilables avec un bouton d’action, un autre d’annulation et un dernier pour passer d’un personnage à l’autre. En revanche, aucune intelligence artificielle ne prend le relais quand on alterne entre les personnages, laissant celui qu’on ne contrôle plus inerte à sa place. Notre coéquipier ne va pas nous suivre, pas nous aider de lui-même ni nous donner subtilement la marche à suivre comme dans Little Nightmares II. On doit les mouvoir l’un après l’autre, ce qui peut s’avérer un peu lourd en fin de niveau lorsqu’on doit traverser deux fois la carte jusqu’à la sortie. Il faut se débrouiller en autonomie, y compris pour se tirer des situations délicates, puisqu’aucune aide n’est disponible. Le concept même du jeu fait qu’on progresse qu’en testant des hypothèses et non pas en lisant simplement un indice dans un menu secret comme dans un point’n’click. En revanche, il peut arriver qu’on ne distingue pas correctement un chemin à suivre en raison de l’obscurité ambiante ou d’une caméra fixe pas optimale, ce qui peut frustrer les plus impatients.
Autre sujet, celui des divers bugs rencontrés qui peuvent s’avérer handicapants pour certains, comme cette fois où le bouton Triangle ne répondait plus, m’empêchant de changer de personnage, quand mon garçon s’est bloqué dans les décors sans plus pouvoir se déplacer, ou quand la caméra s’est figée sans suivre les déplacements du personnage. Des petits soucis de finition qui trahissent sans doute le budget modeste de cette œuvre, mais qui pourraient être corrigés par la suite avec des mises à jour. Dans tous les cas les sauvegardes automatiques sont très régulières et recharger sa partie résout les problèmes la plupart du temps.
La réalisation, modeste également, assure une direction artistique horrifico-cartonnesque, entendre par là que les décors regorgent de détails lugubres mais suffisamment fantaisistes pour ne jamais choquer. La peur est absente et l’ambiance rappelle celle de Medievil, aussi bien dans sa représentation graphique que dans sa bande sonore symphonique très agréable pour les oreilles. Un narrateur inspiré nous accompagne durant notre périple, du haut de sa voix anglaise. Un doublage français aurait sans doute été apprécié par les plus jeunes pour une meilleure compréhension malgré la présence de sous-titres. Enfin, Gloomy Eyes souffre d’une durée de vie un peu légère pour le genre, estimée à environ trois heures selon votre habileté à manière les puzzles. Pour 24,99€ pour la version Standard (avec une remise de 20 % jusqu’au 26 septembre, donc 19,99€), 4,99€ pour la bande son numérique vendue séparément et 30€ la version boite à venir fin octobre, pas sûr d’en avoir totalement pour notre argent tant les niveaux s’enchaînent rapidement jusqu’au générique de fin. C’est plutôt le genre de jeu qu’on garde dans sa liste de souhaits en attendant une future promotion mais qui mérite une attention particulière malgré tout.
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