Test Kholat

Publié le par Vincent
PS4

Le studio polonais IMGN.PRO réalise une œuvre audacieuse en s'inspirant d'un fait  réel pour développer un jeu d'horreur en vue intérieure disponible ce mardi 8 mars sur le PlayStation Store de la PlayStation 4 pour 19,99 euros (17,99en cas de précommande). Les événements dépeints dans Kholat sont librement puisés dans l'affaire dite du col Dyatlov relatant la mort de neuf randonneurs causée par « une force irrésistible inconnue » dans la nuit du 1 au 2 février 1959 au nord de l'Oural. Si l'approche la plus rationnelle y voit simplement des skieurs surpris par une coulée de neige en pleine nuit, la présence de lumières orangées dans le ciel à cette période, d'un fort taux de radiation retrouvé sur les vêtements des victimes et l'absence de signes de lutte accréditent la thèse extraterrestre pour certains ou celle du complot militaire pour d'autres. La réponse se trouve-t-elle dans le jeu ? Attention spoilers.

Les décédés font du ski

L'affaire du col Dyatlov est un fait divers mystérieux suffisamment passionnant pour avoir donné une tentative d'explication (farfelue) dans le film plutôt médiocre The Dyatlov Pass Incident (un found footage réalisé par Renny Harlin) et dans le jeu vidéo Kholat chroniqué aujourd'hui. Le titre provient de Kholat Syakhl, le nom du mont où a été retrouvé le campement des malheureux, et démarre sur un rappel des faits façon bande dessinée avec la voix off de Sean Bean (Le Seigneur des Anneaux, Game of Thrones) pour narrateur. Une fois cette introduction passée, le titre passe en mode « débrouillez-vous » jusqu'à son dénouement. Nos yeux s'ouvrent sur une gare soviétique, un train à l'arrêt sur notre gauche et des bâtiments fermés sur notre droite. Pas âme qui vive pour nous accueillir ni placer un contexte scénaristique. Nous ne savons pas qui nous sommes, ni en quelle année ni même pourquoi nous sommes là. Sommes-nous d'une équipe de secours ? De la famille d'une victime ? Un journaliste ou un détective ? Aucune idée à première vue.



Puisque nous sommes livrés à nous-même, autant explorer les lieux en se baladant jusqu'aux obstacles naturels qui bloquent les accès. La carte est ouverte mais néanmoins délimitée par des arbres allongés, des rochers et autres moyens de nous orienter dans la seule direction possible. La traversée elliptique d'une tempête de neige plus tard, nous voilà face à une tente abandonnée avec à l'intérieure une lampe de poche, une boussole et une map de ce qu'on devine être les environs. Après pratiquement une décennie passée dans les mondes ouverts d'Ubisoft, nous n'avions plus l'habitude de voir des cartes vierges de toute indication ou marqueur dans un jeu vidéo. Digne d'une carte IGN, celle-ci n'indique rien d'autre que les tracés officiels. En regardant bien sur le côté gauche, on aperçoit neuf coordonnées griffonnées au crayon pour autant de destinations à atteindre. A l'aide du stick analogique les latitudes et les longitudes apparaissent sur la carte, nous révélant nos prochains points de chute (mieux vaut les écrire sur un papier pour faciliter la navigation). Pour savoir où nous sommes et où nous devons nous rendre nous devrons lire les décors jusqu'à deviner si le piton rocheux qui est en face de nous est bien cette boursouflure sur le papier ou si nous faisons fausse route. Petite précision qui a son importance : le jeu se déroule durant une nuit de pleine lune dans des décors enneigés où tout se ressemble. Le coup de l'exploration libre avec une carte et une boussole vient d'être fait par Firewatch mais au moins dans le titre de Campo Santo les décors étaient colorés, chaleureux et nous avions un talkie-walkie pour nous tenir compagnie. Là c'est tristounet, froid, lugubre et on passe son temps à se perdre et à tourner en rond. Si l'objectif était de nous placer dans la peau d'un randonneur paumé de nuit en montage, c'est gagné tant le sentiment d'isolement est palpable.

La vérité est ailleurs

On peut comprendre que la volonté des développeurs était de nous insuffler un peu d'empathie pour ces pauvres gens, mais d'un point de vue strictement vidéoludique l'absence totale de pédagogie pourra en rebuter certains qui abandonneront leur trekking nocturne au bout d'une demi-heure, lassés de tourner en rond sans indication claire. Les « rages quit » sont également imputables à un système de sauvegarde automatique foireux qui ne bloque votre progression qu'une fois arrivé aux coordonnées GPS vues plus haut, au camp de base ou si vous avez la chance de tomber sur un sac à dos abandonné en chemin contenant une coupure de presse, à ranger dans notre journal de survie. Pas bien grave me direz-vous, il suffit de regarder où nous mettons les pieds pour éviter des chutes mortelles stupides. Eh bien non puisque les développeurs ont eu la mauvaise idée de saupoudrer la carte de silhouettes spectrales capables de se téléporter pour nous tuer en un coup par un « jump scare » surfait, nous faisant perdre parfois un bon quart d'heure d'errance. Ma première rencontre avec une de ces formes est d'ailleurs venue d'une manière totalement délibérée, croyant qu'il s'agissait d'une présence amie, d'une réminiscence d'un événement passé (à la manière des souvenirs lumineux d'Everybody's Gone to the Rapture) comme je venais d'en voir aux abords d'une église. Par la suite j'ai cavalé à la moindre lueur orange jusqu'à en avoir la vue troublée.

En plus de provoquer des morts frustrantes et des sursauts gratuits, la présence de ces fantômes annihile en moins d'une heure les diverses théories qui enveloppent ce fait divers pour résoudre le mystère par une simple montagne hantée par un sous-Slender Man : le suspense aurait pu être entretenu plus longtemps au lieu de s'auto-spoiler si vite. Les Fox Mulder en quête de vérité trouveront néanmoins l'expérience intéressante à condition d'aimer la randonnée et d'accepter que le fait que le ratio exploration / frisson soit clairement au désavantage de la chair de poule en dépit d'une ambiance sonore bien travaillée. Les 19,99€ seront rentabilisés en cinq heures de gameplay dont une majorité façon course d'orientation. Les graphismes tournant sous Unreal Engine 4 sont bons, avec une carte de grande taille, des flocons qui balayent l'écran et des arbres qui plient sous le vent. Certes, les textures ne sont pour ainsi dire que des rochers et de la neige mais le tout est immersif, sans indication textuelle à l'écran pour polluer le champ de vision. On sent la volonté de faire du bon travail mais les développeurs risquent de passer à côté de leur public cible (les amateurs de jeux d'horreur) à cause d'une exploration trop peu intuitive et d'un sentiment de peur non maîtrisé.

Notre verdict

On aime

  • L’ambiance sonore flippante
  • L’histoire via des coupures de presse
  • L’impression de liberté

On n'aime pas

  • Exploration pénible
  • Les spectres qui tuent en un coup
  • Le mystère révélé en une heure
  • La narration trop morcelée
  • Le système de sauvegarde

En s'inspirant d'un fait réel, Kholat captera immédiatement l'attention des amateurs de paranormal qui s'imaginent tomber sur un titre ultra-documenté apportant des indices supplémentaires pour résoudre cette énigme vieille de plus de 55 ans. Le soufflé retombe malheureusement trop vite quand, moins d'une heure après l'introduction, les premières formes spectrales viennent tuer dans l’œuf le suspense, réduisant le mystère à une course d'orientation pénible, entrecoupée d'apparitions d'un ersatz de Slender Man. En privilégiant une exploration pure, avec les moyens rudimentaires d'époque, et des sauvegardes très espacées, les développeurs rendent les déplacements enneigés vite lassants au point de donner envie d'abandonner la manette à la moindre mort prématurée. Pas sûr que les amateurs de frissons y trouvent leur compte, surtout après l'épatant Layers of Fear.

Note finale : 6.5 / 10
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