Vous vous réveillez douloureusement, allongé au beau milieu d’une crique désertée. Vous ne savez pas ce que vous faites là, ni ne vous rappelez de votre nom. Des messages évanescents semblent s’adresser directement à vous, ici sur un rocher, là sur un mur, vous guidant vers un petit bunker situé à quelques pas de la plage. Dans ce qui ressemble à un repaire, vous trouvez un talkie-walkie modifié avec lequel vous entrez en contact avec une certaine Julianna. Au fil de la conversation, vous apprenez que vous vous nommez Colt et que la grande gueule au bout du fil semble vouloir votre peau. Pourquoi ? Il semblerait que vous menaciez de briser la boucle temporelle de Blackreef, une île isolée du reste du monde où une même journée se répète continuellement. Plus loin, vous découvrez alors qu’il vous faut éliminer le temps d’une boucle tous les Visionnaires, ces huit originaux qui régissent les lieux, pour mettre fin à leur délire. Mais dans quel but ? Et au fond, quel est votre rôle dans toute cette histoire ?
Deathloop vous propose de le découvrir dans la plus pure tradition du genre immersive sim : en explorant Blackreef. Les premiers chapitres de l’aventure font office de gros tutoriel, pour vous permettre d’appréhender le fonctionnement de l’île et donc, du titre. C’est en tous cas bien plus limpide que durant toute la communication ayant précédé la sortie du jeu ! Même si la progression du début est téléguidée par le scénario, on retrouve d’emblée la patte Arkane avec la possibilité de découvrir quelques lieux et embranchements cachés, et de résoudre déjà quelques énigmes environnementales. Mais ce n’est encore qu’un bref aperçu de ce qui va suivre. Au terme de cette entrée en matière plaisante et graduelle, on retient que la journée - la fameuse « loop » - se découpe en quatre temps (matin, midi, après-midi et soir) et qu’il est possible de visiter une zone (parmi quatre) pour chacun. Très vite, on réalise qu’il va falloir ruser pour tuer les huit Visionnaires en seulement quatre opportunités, sans quoi la boucle se répétera encore et encore. Pas d’autre choix donc, que de fouiller les niveaux, très verticaux, pour trouver des indices sur les habitudes des uns et des autres et prévoir des assassinats multiples en un moment et en un endroit précis. Attention aussi à ne pas trépasser plus de deux fois dans un même segment d’exploration (suivant une chute ou un échange de tirs qui tourne mal), auquel cas vous repartirez sur une nouvelle boucle.
Une liberté (un peu) encadrée
Toutes les informations sur vos ennemis s’obtiennent en lisant des notes, des enregistrements audios ou tout simplement en surprenant une conversation. Qu’importe le nombre de boucles que l’on éprouve dans une partie, Colt se souviendra de tout ce qu’il a pu récolter durant ses visites. Et en recoupant certaines données, il établira le cheminement idéal pour éliminer un minimum de deux cibles d’un seul coup. Si le procédé repose sur l’exploration (qu’il motive très largement), on regrette qu’il ne laisse finalement qu’assez peu de place à l’improvisation. Bien sûr, il vous est encore possible d’agir comme bon vous semble et aussi, selon les aptitudes que vous avez acquises (on y reviendra), mais les indications sont tellement présentes in-game et dans les menus que l’on a le sentiment d’être trop souvent pris par la main. Un peu comme la dernière trilogie Hitman, où un seul indice vous trace la route (certes parmi tant d’autres) du parfait assassinat. C’était déjà un peu le cas dans Dishonored mais ici, la profusion d’indices nous rappelle sans cesse à cet itinéraire que le titre nous invite à suivre. Vous imaginez Dark Souls avec des marqueurs sur le HUD ? Le jeu de From Software en perdrait de son âme ! C’est ce qui dessert un peu Deathloop, sans pour autant renier la marge de manœuvre laissée au joueur. On peut heureusement masquer tous ces points d’intérêt, mais leur abondance fait d’autant plus de tort qu’elle tranche avec la philosophie du studio, à savoir placer l’utilisateur au cœur de l’expérience. Comme si Arkane avait eu peur, en définitive, de le perdre dans sa « boucle ». Il y a sans doute un peu de vrai là-dedans…
Deathloop, et c’est tout à son honneur, ne ménage pas ses efforts pour être le plus accessible possible. Déjà, il n’a rien du rogue-like exigeant qu’est Returnal (pour ne citer que lui) et vous permet, passé l’intro, de conserver toutes les armes et pouvoirs acquis durant une boucle ou après une mort. A la seule condition de les avoir préalablement « infusés » avec de l’Irridium, une matière qui se récupère sur certains éléments du décor, les cadavres des Visionnaires ou en se débarrassant des équipements superflus. On évite ainsi de devoir recommencer à zéro une nouvelle journée et donc, un certain sentiment de frustration. Ceci étant dit, on aurait tout de même apprécié un système de sauvegarde manuelle plutôt qu’un automatique entre chaque boucle (ce qui peut être problématique en cas de crash de la partie). Le concept même du jeu aurait pu sembler répétitif - retraverser les mêmes zones plusieurs fois - mais il n’en est heureusement rien. D’abord parce que les environnements regorgent de secrets parfois bien cachés et, surtout, parce que les variations sont assez nombreuses en fonction du moment de la journée (débloquant parfois des pans entiers d’une zone). D’une « loop » à l’autre, on a une sensation de découverte permanente, souvent récompensée par ailleurs et c’est ce qui rend la progression très gratifiante. D’autant plus quand on parvient à résoudre une énigme ou à ouvrir une porte sans l’aide d’un marqueur à l’écran. Comme dans Dishonored, le level design de Deathloop place encore la barre très haut et ce n’est pas une surprise. La progression dans chaque zone est d’autant plus plaisante que les déplacements sont toujours très fluides. Colt se paye même le luxe d’un strafe dashé, très utile durant les combats.
Une orientation plus action
Le dernier-né d’Arkane est davantage tourné vers l’action que n’ont pu l’être les précédents travaux du studio. Par bien des aspects, il favorise en effet d’aller au contact. Parmi les outils à disposition, on a un arsenal d’armes à feu assez fourni (que l’on peut modifier avec diverses améliorations), mais aussi des pouvoirs magiques qui ont ici une vocation bien plus offensive que les capacités conférées par l’Outsider. Certains sont hérités de Dishonored (à commencer par le déplacement rapide), tandis que d’autres font leur apparition avec une utilité certaine en combat rapproché (la projection télékinétique, juste jouissive). Même si la discrétion reste une option tout à fait recommandable dans Deathloop (encore heureux), elle semble ici assez peu enthousiasmante. Déjà, il n’est plus envisageable d’assommer les ennemis : la méthode est forcément létale. Sans compter que l’IA n’est pas au niveau d’une approche infiltration. Le champ de vision des Eternalistes - vos ennemis - est en effet extrêmement réduit et on s’étonne très vite de réaliser des stealth kill très rapprochés sans ressentir le moindre danger. C’était déjà le cas dans Dishonored, mais sur une nouvelle génération de consoles, c’est le genre de constat qui fait un peu tâche aujourd’hui. Dans ces circonstances, il est parfois plus exaltant de foncer dans le tas, d’autant que le feeling des pétoires est plutôt bon, les ennemis fondent assez vite sur vous et font plutôt mal… Reste que le grand frisson repose surtout sur Julianna. Principal antagoniste du jeu, la redoutable jeune femme amène un peu de piquant, de tension dans la progression en pourchassant le joueur à travers les niveaux. Quand elle est dans les parages, il n’y a pas trente-six solutions : soit vous l’abattez (ce qui vous octroie des bonus non négligeables), soit vous l’esquivez en vous faisant discret (pas si évident). Lorsqu’elle est dirigée par l’ordinateur, il n’est pas très difficile de s’en sortir ; en revanche, cela peut devenir coton si elle est contrôlée par un autre joueur en ligne ! En effet, le jeu vous offre la possibilité de l’incarner et, dans l’attente d’un éventuel New Game +, c’est une proposition qui a le mérite de rallonger une durée de vie honnête (une douzaine d’heures environ). Mais que ceux qui ne veulent pas être empêchés d’avancer dans l’histoire par d’autres joueurs se rassurent : vous pouvez décider de ne faire jouer Julianna qu’à une IA, à partir des menus. Ouf !
Au-delà de son concept singulier, Deathloop se démarque aussi par une direction artistique joyeusement bigarrée, très inspirée par les films d’espionnage des années 60. D’emblée, le jeu affiche une personnalité certaine et impose son univers au joueur. Même si l’aventure nous a paru plus dirigiste qu’on aurait pu le penser, elle se déroule à un bon rythme, sans temps mort, et permet à tous les Visionnaires d’exister. L’humour est parfois un peu lourdingue, mais il faut saluer l’implication des doubleurs (petite préférence pour les voix anglaises) pour donner vie à tous les protagonistes de Blackreef. Le reste de la bande-son colle bien à l’atmosphère débridée du titre, mais on aurait peut-être aimé davantage de variété dans les thèmes musicaux. Du côté de la technique, le jeu est très fluide et ne souffre d’aucun ralentissement. A défaut d’être d’une beauté hallucinante, il est au moins impeccable d’un point de vue visuel, sans véritable fausse note. Le seul gros bémol réside dans les soucis d’IA, où l’on ne compte plus les bugs de pathfinding, quelques PNJ attendant le trépas coincés dans un élément du décor… Rien de bloquant dans notre partie, mais de quoi briser momentanément l’immersion tant recherchée par les développeurs. Qu’à cela ne tienne, Deathloop demeure une expérience des plus prenantes et dont les nombreuses qualités font largement oublier les quelques petits défauts.
Vincent
Pouet
Le jeu a été ultra mal vendu.
Meher
Leolio
Le Rouge
C'est con. Quand tu veux sortir des sentiers battus et avoir un budget d'envergure tu te plantes souvent.
J'espère qu'ils limiteront la casse.
MeWa
Parce que bon c'est un peu la grande mode, il y en a 800 par jour qui sortent.
Le Rouge