L'as de trèfle qui pique ton cœur
L’histoire de Tormented Souls est celle de Caroline Walker, une jeune femme apparemment sans histoire qui reçoit un soir une lettre l’invitant à venir enquêter sur la disparition de jumelles au sein de l’hôpital Wildberger à Winterlake. Étrangement captivée par la photo des gamines, elle se précipite en direction de l’édifice et se fait assommer à peine le premier couloir exploré. A son réveil, elle patauge nue dans une baignoire d’eau croupie, branchée à des appareils médicaux. Il se passe des choses étranges dans le bâtiment, et elle n’est visiblement pas seule entre les murs. Son enquête commence ici.
A l’instar d’une poignée de productions indépendantes plus ou moins réussies (du mauvais Dawn of Fear au respectable Song of Horror), le survival-horror d’Abstract Digital revient aux fondamentaux du genre avec sa vue à la troisième personne et ses plans de caméras fixes. On pense évidemment à Alone in the Dark et au premier Resident Evil quand on arpente les coursives d’un vieux manoir reconverti en hôpital, théâtre de sombres expériences. Pas de zombie à l’horizon pour autant, mais des aberrations médicales biomécaniques qui attendent qu’on les achève avec des armes de fortune récupérées en chemin, du pied de biche de Gordon Freeman au pistolet à clous modifié en passant par le fusil de chasse bricolé. Ces créatures grotesques rivées à leurs chaises roulantes, aux griffes acérées, sont plus proches du bestiaire d’un bon Silent Hill que de la licence de Capcom qui fête ses 25 ans cette année. La tension est toutefois la même quand on entend leurs râles en déboulant dans un couloir sans pour autant parvenir à localiser la menace. La caméra fixe et les travellings font toujours leur petit effet à chaque angle et à chaque ouverture de porte prenant deux à trois secondes sur la nouvelle console de Sony.
Outre la caméra, l’hommage à Resident Evil se retrouve dans les déplacements à la croix directionnelle qui reprennent familièrement l’appellation « tank contrôle » dans le menu, avec rotation sur place et pression du bouton Carré pour courir. Au stick analogique Caroline est bien plus aisée à diriger, l’effet vintage en moins, avec mouvements fluides et petite foulée automatique. Viser un ennemi fige toujours le personnage mais une pression sur Carré fait reculer notre héroïne d’un bond en arrière pour éviter le tranchant d’une lame à la dernière seconde. Une option bien pratique mais limitée par l’étroitesse de certains décors. L’inventaire par cases permet de stocker une douzaine d’objets, des ressources et des documents, sans jamais ressentir les limites de nos poches. Il n’y a de toute façon par de coffre pour les vider. Parmi les objets de base on trouve l’indispensable briquet dont la lumière nous protège des ténèbres puisqu’ici l’obscurité nous tue littéralement en quelques secondes. Cet élément de gameplay est d’ailleurs utilisé pour empêcher l’usage de nos armes dans les décors trop sombres, nous forçant à allumer des bougies ou des ampoules avant. Le seul niveau de difficulté proposé est accessible aux joueurs moyens et bien calibré, la demoiselle devant être heurtée plusieurs fois pour voir son état se dégrader en « attention » puis à « danger ». Enfin, le système de sauvegarde par bandes magnétiques en nombre limité, à glaner dans les décors, achève de rendre hommage au jeu culte de Shinji Mikami. Ici pas de sauvegarde automatique, il faut trouver la salle dédiée et avoir une bande pour arrêter de jouer.
De l’autre côté du miroir
L’exploration de l’hôpital étant régulièrement freinée par des portes fermées, c’est à vous que reviendra la tâche de jouer les serruriers en résolvant des énigmes logiques. La petite originalité de cette production horrifique est que l’utilisation des objets de l’inventaire se fait à l’aide d’un curseur comme dans un jeu d’aventure type point’n’click. Il faut alors déplacer une loupe ou une main virtuelle directement dans les décors pour agir dessus, pour ouvrir une boite à fusible, actionner un interrupteur ou frapper une porte avec un heurtoir par exemple. C’est la même chose pour observer les objets en détail et pour les combiner entre eux. Sans pour autant nécessiter une soluce sur les genoux, ces moments de réflexion sont dans la moyenne haute du genre et apportent un peu de fraîcheur entre deux sursauts. Évidemment, trouver le bon objet à utiliser au bon endroit exigera quelques allers-retours pas vraiment facilités par une carte des lieux manquant de détails et de clarté. Notre personnage n’est pas représenté dessus, ni les objets laissés en arrière comme sur celle du remake de Resident Evil 2, et les noms des salles sont restés en anglais alors que le reste du jeu est sous-titré en français. On a connu plus pratique.
Graphiquement le jeu propose de jolies salles souvent très riches en fioritures et en bibelots inutiles donnant un cachet « brocante d’antiquaire » à certains endroits. Les décors sont fouillés, les effets de lumière en temps réel sont saisissants de réalisme sans abuser des technologies modernes (pas de ray tracing ni de sélecteur performance / graphisme ici) mais les personnages en comparaison manquent globalement de charisme et de présence à l’écran. Caroline, les rares survivants, et les monstruosités ont finalement un design passe-partout qui n’imprimera pas durablement la mémoire. Leurs animations, rigides, sont à mettre sur le dos de la fidélité aux références dont s’inspire le jeu, mais on lui pardonnera moins facilement ses chutes de frame-rate dans les salles les plus ouvertes, notamment le hall d’accueil sur deux étages. Le jeu se rattrape avec son histoire un peu plus originale que le virus cannibale, flirtant parfois avec le surnaturel comme lorsqu’on bascule dans une sorte de dimension parallèle en passant à travers un miroir. La mise en scène étant plutôt modeste, la narration compense par des journaux intimes souvent glaçants à lire pour en apprendre plus sur ce qui s’est passé dans les lieux. De quoi occuper une première visite pendant huit à neuf heures, ce qui est la durée de vie standard du genre et un rapport quantité / prix convenable pour un jeu vendu 19,99€ en numérique. Autant de temps à passer le casque sur les oreilles, dans le noir complet, pour profiter des doublages anglais et surtout des musiques d’ambiance oppressantes à souhait. Notez pour finir qu’une démonstration jouable du début du jeu peut être téléchargée sur le PlayStation Store pour le tester avant de l’acheter.
Sephi
Vincent
Bejita
Par contre des ralentissements sur PS5, moyen, on fera avec, ce n'est pas comme si les survivals étaient légion.
Vincent
Bejita
Le Rouge
Vincent
Versions PS4, One et Switch en 2022.
Sephi
Vincent