Test Mafia III

Publié le par Eric
PS4

Six ans après la sortie de son deuxième opus sur la précédente génération de consoles, la série Mafia revient sur les machines actuelles et nous plonge à la fin des années soixante au cœur de New Bordeaux, une ville fictive des États-Unis largement inspirée de la Nouvelle-Orléans. Si les gangsters tiennent logiquement une place de choix dans cette histoire de trahison et de vengeance, de nombreuses thématiques particulièrement sérieuses et caractéristiques de l’époque et du lieu sont aussi abordées comme le racisme, la guerre et les complots politiques. Un matériau de base bien exploité par le studio Hangar 13 qui nous offre ici une histoire accrocheuse à l’écriture maîtrisée, mais qui n’a malheureusement pas porté autant d’attention au gameplay de son dernier bébé. Explications.

Vous êtes Lincoln Clay, un jeune homme d’une vingtaine d’années tout juste revenu du Vietnam qui retrouve la ville de sa jeunesse ainsi que sa famille d’adoption composée du vieux Sammy et de son fils Ellis. Le premier dirige la mafia noire locale mais se heurte depuis quelques temps à la mafia haïtienne, et s’est endetté auprès de la mafia italienne dirigée par Sal Marcano afin de conserver le contrôle de son territoire. Évidemment les émules des Corleone ne tardent pas à réclamer leur dû, et obligent leurs débiteurs à effectuer un casse pour solder la dette : Lincoln se porte volontaire pour y participer, mais les choses prennent une vilaine tournure malgré la réussite de l’opération lorsque les Marcano exécutent froidement Sammy et Ellis, laissant Lincoln pour mort. Remis sur pied par son vieil ami le Père James, il entreprend de se venger en éliminant méthodiquement les alliés et les membres du clan Marcano, prenant au passage le contrôle des différents quartiers de la ville et de leurs trafics.

Une ambiance du tonnerre

S’il est un aspect sur lequel Mafia III est inattaquable, c’est bien celui de son ambiance particulièrement travaillée qui nous plonge littéralement au cœur de New Bordeaux. Les concepteurs du jeu ont opté pour une narration par flash-backs qui leur permet de faire intervenir les différents protagonistes de l’histoire dans des interviews très postérieures aux évènements vécus pad en main, des extraits (au format 4/3 pour plus de réalisme !) d’une commission d’enquête du Congrès étant insérés ici ou là pour faire bonne mesure. On bénéficie ainsi de cut-scenes commentant les différentes étapes de la montée en puissance de Lincoln, de son retour du Vietnam au grand assaut final en passant par le recrutement de ses alliés puis la prise de contrôle des différents quartiers de la ville impliquant l’élimination systématique des lieutenants de Marcano. Les points de vue des intervenants permettent de mieux comprendre non seulement les agissements de Lincoln, mais aussi plus globalement la société de l’époque.


Car si le scénario lui-même se montre relativement convenu avec comme objet principal la vengeance aveugle de notre antihéros, de nombreux thèmes connexes sont abordés de manière plus ou moins directe : la guerre du Vietnam bien sûr et les nombreuses controverses qu’elle a pu engendrer, le racisme particulièrement présent dans la région à cette époque avec notamment un ersatz du Ku-Klux-Klan, le mouvement de contestation de la communauté noire avec un clone des Black Panther et de nombreuses références à Martin Luther King, ou encore les complots politiques qui renvoient aux pires actions de la CIA et du FBI, ou au scandale du Watergate. Bref l’immersion dans l’univers du jeu est réussie, d’autant que les cinématiques bénéficient d’une excellente mise en scène et de dialogues percutants : le grand soin apporté à l’écriture des personnages fait mouche, et on ne peut que saluer Hangar 13 pour cette belle performance.

Une progression répétitive

Avant de s’attaquer à l’empire criminel des Marcano, Lincoln devra s’adjoindre les services de trois autres personnages ayant chacun une bonne raison de souhaiter sa disparition : Cassandra, leader de la mafia haïtienne, Thomas Burke, chef de la mafia irlandaise, et Vito Scaletta, héros de Mafia III récemment trahi par son ancien clan italien. Entrer en contact avec eux pour négocier une alliance s’avèrera plutôt simple : vous devrez vous rendre dans les quartiers qu’ils contrôlent, trouver des informateurs qui vous en diront plus sur la nature et la localisation des trafics qui s’y trouvent, attaquer les lieux ainsi découverts pour attirer l’attention des responsables, et mettre ces derniers hors d’état de nuire pour enfin atteindre le chef du quartier.

Là où le bât blesse, c’est que la routine est ensuite reprise à l’identique pour tous les quartiers de New Bordeaux lorsque vous entreprenez d’éliminer les lieutenants puis les proches de Marcano. Autant dire que le côté répétitif de la chose, déjà bien perceptible après le recrutement de vos alliés, devient ennuyeux puis franchement pénible lorsque l’on approche de la fin de l’aventure ! Alors certes les trafics sont différents d’un quartier à l’autre (on citera sans être exhaustif l’héroïne, la prostitution, les déchets, les armes, l’alcool, ou encore le vol de voitures), mais vos actions consisteront toujours à infiltrer un bâtiment pour détruire un stock, voler une cargaison ou éliminer les hommes de Marcano.

Les missions se montrent donc très conventionnelles dans l’ensemble, et elles ont une fâcheuse tendance à démarrer en un lieu à l’exact opposé d’où l’action doit se dérouler : vous devrez ainsi parfois quitter la zone où vous vous trouvez pour conduire de longues minutes afin de déclencher la mission, puis vous réaliserez qu’il faut faire le chemin inverse car le bâtiment visé se trouve en réalité à votre point de départ ! Pénible, d’autant qu’il n’existe aucun voyage rapide pour se rendre d’un point à un autre de la ville...

Puisque nous évoquons la géographie de New Bordeaux, sachez qu’elle se montre assez variée avec notamment un centre-ville bien fourni, une zone industrielle, un port et des quartiers riches ou pauvres peuplés par les différentes communautés de la région. En bons chauvins nous retiendrons tout particulièrement le Quartier Français, très réussi, qui renvoie aux plus belles cartes postales du quartier éponyme de la Nouvelle Orléans. Bien que la taille globale de la map soit confortable, il convient de préciser qu’un gros de tiers est occupé au sud par le Bayou, zone marécageuse dont Lincoln ne prendra pas vraiment le contrôle, mais qui sera le théâtre de quelques rares missions plutôt réussies, et de multiples autres très redondantes.

Un gameplay trop convenu

Pad en main, Lincoln ne surprendra vraisemblablement pas les habitués du genre : s’il peut se la jouer Solid Snake en passant en mode furtif pour attirer ses ennemis en sifflant, puis leur trancher discrètement la carotide avant de cacher leur corps, il se transformera tout de même très régulièrement en Rambo apte à balancer des kilos de plomb en quelques secondes. On retrouve ici un arsenal classique avec des fusils à pompe, pistolets, fusils mitrailleurs, lance-roquettes et autres, ainsi que des explosifs tels que le cocktail Molotov, la grenade à fragmentation, le C4 et la mine de proximité. Histoire de ne pas succomber lorsque les adversaires sont nettement en surnombre, notre ex-soldat peut se shooter à l’adrénaline pour restaurer sa barre de santé et revêtir un gilet pare-balles pour améliorer sa résistance.

Tout ceci aurait pu être intéressant si les ennemis ne se montraient pas si idiots, fonçant trop souvent droit sur Lincoln en terrain découvert pour un exercice de tir au pigeon, ou sortant la tête au bon moment pour se prendre un headshot des familles. Et ils ont beau s’encourager en criant « allez-y, il recharge » lorsque vous êtes momentanément à court de munitions, ils n’en profitent malheureusement pas pour coordonner leurs assauts... Si vous optez plutôt pour l’infiltration, vous aurez la surprise tantôt de vous faire détecter alors qu’apparemment personne ne pouvait vous voir, et tantôt d’éliminer un ennemi sous les yeux de son collègue sans que ce dernier ne réagisse. Bref vos adversaires se montreront plus dangereux par leur nombre que par leur intelligence, et il suffira souvent de se mettre à couvert au bon endroit et d’attendre leur venue pour les éliminer un par un. Attention tout de même, certains savent lancer des grenades et vous obligeront peut-être à changer de planque de temps en temps !

Puisque comme nous l’avons évoqué plus haut le jeu ne dispose d’aucun système de voyage rapide, vous passerez de nombreuses heures au volant des différents véhicules du jeu : voitures en tout genre, de la familiale à la sportive, fourgon blindé, camion-citerne ou transport militaire ne sont que quelques exemples de ce qui vous attend. Ne vous fiez toutefois pas aux noms des deux modes de conduite proposés : Normal aurait sans doute pu être appelé Assisté tant il vous empêche de perdre le contrôle du véhicule en interdisant tout survirage, tandis que Simulation se veut plus classique et plus fun en vous permettant de déraper comme bon vous semble. Dans les deux cas le poids de l’engin est suffisamment bien rendu, mais l’impression de vitesse n’est au rendez-vous qu’avec les bolides les plus performants.

De l’importance du management

Nous l’avons vu, Lincoln reprendra peu à peu les différents trafics et quartiers de New Bordeaux en menant sa vendetta contre le clan Marcano. Mais notre homme n’ayant pas vraiment le temps de s’occuper de ce genre d’affaires, il devra les affecter à l’un de ses trois lieutenants, augmentant ainsi sa loyauté et l’amenant à vous fournir de sympathiques bonus. Cassandra vous permettra par exemple d’utiliser le trafiquant d’armes qui vous rejoindra sur simple coup de fil et vous proposera ses articles (armes, munitions, customisations diverses et variées...). Burke vous fera livrer le véhicule de votre choix là où vous êtes. Quant à Vito, il vous mettra en relation avec la Conseillère qui pourra venir chercher l’argent stocké dans votre portefeuille pour le mettre à l’abri dans votre coffre-fort : cela vous évitera d’en perdre la moitié si jamais vous vous faites descendre !


Avant chaque attribution de quartier, une cut-scene vous permettra de connaître l’état d’esprit de vos lieutenants qui pourront se montrer satisfaits de leur situation, en attente de plus de responsabilités, ou au bord de la crise de nerf. Attention, ils pourraient dans ce dernier cas se retourner contre vous et vous obliger à les éliminer ! L’une des trois différentes fins du jeu sera d’ailleurs légèrement modifiée en fonction de vos affinités, mais nous vous laissons évidemment le soin de découvrir cela par vous-même. Précisons tout de même qu’il nous aura fallu près de 25 heures pour atteindre le générique de fin, sans nous attarder sur les différentes quêtes facultatives de nos alliés, ni les collections d’objets cachés dans la ville (couvertures de Playboy, affiches de Vargas, pochettes de disques...).

Une technique en dents de scie

Très séduisant dans ses cinématiques, Mafia III l’est un peu moins une fois lâché dans New Bordeaux : si l’architecture des différents quartiers est plutôt réussie, les textures sont en revanche assez simples et la gestion de la lumière pas toujours convaincante. Mais le plus gênant concerne sans doute le clipping assez féroce dont souffre le jeu, qui fait parfois apparaître des éléments du décor voire des véhicules beaucoup trop tardivement. Et que dire de ces piétons, par ailleurs un peu trop rares à notre goût en centre-ville, qui se jettent sous nos roues alors que nous tentions précisément de leur éviter une mort certaine ? On s’interroge aussi sur l’intérêt du rétroviseur des véhicules qui ne montre quasiment que la route qui défile et presque aucun élément du décor, ou encore sur cette synchronisation labiale complètement à la ramasse qui peut aussi bien faire bouger les lèvres des personnages alors qu’ils ne disent rien, que leur laisser la bouche fermée alors qu’ils parlent...

Dans un autre registre, sachez que notre partie a été entachée de bugs divers et variés, comme un bateau qui se met à la verticale dans un port de plaisance sans raison apparente, un trophée débloqué aléatoirement, ou encore une mission impossible à lancer sans quitter la partie pour la recharger immédiatement après. Il apparaît clairement que, malgré ses retards successifs, le jeu aurait mérité quelques tests supplémentaires avant d’être proposé aux joueurs !

Côté bande son en revanche nous ne pouvons qu’applaudir Hangar 13 pour la tracklist proposée, avec des morceaux mythiques tels que « Paint It Black » ou « Sympathy for the Devil » des Stones, « Respect » d’Aretha Franklin, « I Feel Good » de James Brown ou encore « Long Tall Sally » de Little Richard. La centaine de titres proposés pioche parmi les perles de l’époque, et devrait ravir tous les amateurs de bonne musique. Les flashs d’information des radios contribuent quant à eux à nous plonger dans la guerre qui sévit à New Bordeaux, même si certains semblent avoir été oubliés lors de la traduction en français du jeu !

Notre verdict

On aime

  • Une belle plongée dans l’époque et le lieu
  • L’écriture des personnages
  • De rares missions qui sortent de l’ordinaire
  • Une bande son de rêve
  • La durée de vie conséquente

On n'aime pas

  • Une progression beaucoup trop répétitive
  • L’intelligence artificielle peu convaincante
  • La prestation technique plutôt décevante
  • Un manque de finition évident

Si la promesse d’une ambiance du tonnerre faite par les différents trailers du jeu a parfaitement été tenue par Hangar 13 grâce à une écriture soignée et à des cut-scenes très réussies, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la progression de l’aventure qui se montre rapidement répétitive et ne parvient réellement à capter l’attention du joueur que durant les dernières heures. La faute à un gameplay handicapé par une intelligence artificielle quasiment défaillante, et à un moteur de jeu trop souvent poussif malgré quelques jolis panoramas. Espérons que les DLC à venir seront accompagnés de patchs atténuant le clipping et corrigeant les nombreux bugs rencontrés lors de nos sessions de test !

Note finale : 6 / 10
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