Des caméras fixes, des contrôles ultra-rigides, de l’action sanguinolente… Sortis au début des années 2000 sur PlayStation, Fear Effect 1 & 2 n’usurpaient pas leur réputation de « Resident Evil-like ». Aujourd’hui, le jeu des comparaisons n’a plus lieu d’être entre les deux séries : le survival horror made in Capcom a profondément changé, se réinventant au fil des générations de consoles, tandis que « FE », lui, s’est arrêté aux portes de l’Emotion Engine (PlayStation 2) avec un troisième épisode avorté en plein pendant son développement. C’est ainsi que la licence créée par les Britanniques de feu-Kronos Digital a rapidement disparu des radars.
Une renaissance bretonne
Une quinzaine d’années plus tard, un petit studio breton s’est rappelé au bon souvenir de Fear Effect et a saisi l’opportunité de lui offrir une suite, avec la bénédiction de Square Enix (propriétaire de la licence depuis le rachat d’Eidos). Intitulé « Sedna », cet épisode réintroduit Hana et son équipe de mercenaires, réunis comme au bon vieux temps autour d’un nouveau contrat. Avec, pour toile de fond, manipulations génétiques et mythologie inuit.
Les fans des deux premiers volets ne seront pas vraiment dépaysés : bien que rafraîchie, l’esthétique propre à Fear Effect est toujours là tandis que l’histoire, elle, est tout à fait dans le ton de la série. Ça manque sans doute d’un peu de corps et de surprise, mais l’aventure reste un sympathique prétexte aux retrouvailles des différents protagonistes. Sushee s’est efforcé là de proposer une suite qui soit fidèle et respectueuse aux deux premiers Fear Effect et sur ce point, « Sedna » remplit son office.
Par envie et aussi en raison d’évidentes contraintes budgétaires, le studio lannionais souhaitait néanmoins proposer un autre gameplay, éloigné des « survival » de l’ère PS One. Une orientation plus tactique, plus « PC », où l’on évoluerait dans des tableaux en perspective isométrique. Intrigante sur le papier, la formule fait rapidement déchanter manette en main.
Un gameplay qui pose question
Dès le tutoriel, les premières errances de « Sedna » apparaissent au grand jour. C’est élémentaire, mais le jeu oublie pourtant d’indiquer au joueur la touche permettant de permuter entre deux personnages. On apprend un peu plus loin que l’on peut combiner les compétences spéciales des héros pour plus d’effet, mais sans aucune démonstration préalable. Puis on réalise très vite que les énigmes sont un peu à cette image, brutes et déroutantes dans leur présentation. C’est à se demander comment ce manque de finition a pu filtrer lors des playtests.
Mais le plus gros problème de « Sedna », c’est qu’il n’offre pas ce que l’on était en droit d’attendre d’un jeu d’action tactique moderne. On s’imaginait tirer profit des synergies entre les personnages, utiliser les éléments du décor à notre avantage, ressentir de la tension lors des gunfights… Malheureusement, le jeu n’offre rien de tout ça. La faute à une IA catastrophique – alliée comme ennemie – qui se borne à foncer dans le tas quoi qu’il arrive. Essayez donc d’avoir une approche un tant soit peu tactique avec ça ! Avec ses couloirs étroits et ses planques bizarrement positionnées (pour la couverture), le level design ne favorise pas plus la construction d’un assaut. Face à ce constat, la pause active n’a pas beaucoup plus d’utilité et l’on n’y recourt finalement que très rarement, voire jamais.
Le cul entre deux chaises
Cet enchaînement d’écueils finit immanquablement par nuire au plaisir de jeu alors même que Sushee s’est efforcé de varier les séquences : action, infiltration, réflexion… Clairement, Fear Effect Sedna ne manque pas de bonne volonté. Mais il se révèle bien trop perfectible dans tous les secteurs pour vraiment convaincre et enthousiasmer. Cette impression témoigne surtout du dilemme auquel ont été confrontés les développeurs : comment trouver le bon équilibre entre leur ambition de départ (faire un titre plus tactique) et le souhait très conservateur des fans, au profit de l’action ? Tiraillé entre ces deux orientations, le titre de Sushee semble être resté, comme on le dit, « le cul entre deux chaises ».
Décrit de cette manière, « Sedna » pourrait sembler être un ratage complet, mais ce serait omettre certaines de ses qualités. La bonne volonté et le respect des codes de la série sont les plus évidents. Pas toujours très bien introduites, les énigmes ont, elles, le mérite d’être gratifiantes. Et même si l’action n’est pas trépidante, il faut reconnaître que le rythme est bon et l’action est assez variée. Sur ce dernier point, c’est quand même très encourageant, une bonne base sur laquelle Sushee devra s’appuyer dans le développement de Fear Effect Reinvented (remake du tout premier opus). Avec, on l’espère pour l’équipe, davantage de moyens humains et financiers
Pouet