The (Vulcan) Raven
Ce polar à la sauce Agatha Christie démarre par le vol au British Museum de Londres en 1964 d'une relique égyptienne, l'un des deux « Yeux du Sphinx », par un mystérieux maître voleur signant son forfait par une plume de corbeau. Cette méthode rappelle celle employée par Le Corbeau, un voleur en série ayant œuvré quatre années auparavant avant d'être mortellement blessé par l'inspecteur français Nicolas Legrand. Le Corbeau est-il vraiment de retour ou cet acte est-il l’œuvre d'un imitateur ? Pour le savoir la police décide de lui tendre un piège en déplaçant le second œil vers Istanbul par le biais d'un voyage dans un train mythique, l'Orient Express. A bord de celui-ci se trouve Anton Jakob Zellner, un agent de la police suisse n'ayant rien à envier au cher Hercule Poirot, chargé de la protection de la pierre précieuse. Chauve, moustachu et légèrement bedonnant, c'est l'archétype de l'enquêteur fouineur et celui que nous allons contrôler la plupart du temps durant l'aventure.
The Raven est un jeu d’enquête policière dans la veine du ABC Murder d’Artefacts Studio ou des Sherlock Holmes de Frogwares. Le gameplay est très proche d’un point’n’click traditionnel à la différence qu'on ne déplace pas une souris virtuelle comme dans Les Chevaliers de Baphomet mais directement notre avatar helvétique au stick analogique gauche pendant que son regard s'oriente naturellement vers les choses intéressantes sur lesquelles on permute avec le stick droit. Le bouton Rond sert à en obtenir un descriptif tandis que la Croix sert à l'action, généralement s'en saisir pour le ranger dans notre inventaire accessible avec le bouton Triangle. Le bouton Carré sert quant à lui à nous aider en affichant tous les objets interactifs d'une scène, en contrepartie de l'utilisation de points qui servent à évaluer notre talent à la fin de chaque chapitre. Le jeu est découpé en trois parties directement réunies sur la galette vendue 29,99€. Avec facile quatre heures par chapitre, le jeu assure une douzaine d'heures d'interrogatoires, de recherche d'indices, de combinaison d'objets et de mini-puzzles comme cette pince à cheveux à plier dans le bon sens pour crocheter une serrure. Une durée de vie dans la moyenne haute du genre, et qui ne paraît pas de trop pour traverser les Alpes suisses en train ou prendre la direction d'un musée au Caire à bord d’un luxueux bateau de croisière.
Davantage attiré par le dialogue que par la résolution d’énigmes pures (on n’est pas dans Professeur Layton), notre flic passera le plus clair de son temps à dialoguer avec les témoins qui sont tous des coupables potentiels pour leur soutirer des informations sur eux, sur les autres et de nouvelles pistes, naturellement. Le titre compte tellement sur la parlote que certaines apparitions semblent téléphonées par moment. Ainsi certains personnages ne sortent comme par enchantement de leur tanière qu’après avoir dialogué au préalable avec d'autres. Le cheminement paraît ainsi balisé, si bien que la progression est fluide sans jamais de vrai blocage. Si un témoin vous ouvre sa porte, c'est qu'il a quelque chose d'utile à vous dire, même si on doit s'y reprendre à plusieurs fois pour lui tirer les vers du nez. Et en cas de doute ou d'oubli, notre limier consigne toutes les informations et suggestions dans son carnet consultable en pressant le pavé tactile.
Édition remplumée
Le studio King Art n’en est pas à son coup d’essai en matière de jeu d’aventure, il est même considéré comme une pointure outre-Rhin avec sa jeune série The Book of Unwritten Tales. Pour cette histoire plus réaliste, reconnaissons un certain talent pour l’écriture de ses personnages et de la trame dans son ensemble. Le jeu est prenant, l'envie de savoir qui est derrière tout ça motive à continuer, et on élabore nos propres théories balayées ou confirmées au fur et à mesure de notre progression. Ce serait une adaptation d'un livre policier d'un auteur reconnu que les développeurs n'auraient pas fait mieux. Le casting s’enrichit généralement en changeant de destination mais les personnages qui gravitent autour de notre enquêteur depuis le début sont de fait les plus suspects et les plus travaillés. Découvrir le background de certains ou les événements de la première traque du Corbeau aide à s'impliquer dans la narration. Un bon point puisque c'est surtout le scénario qui constitue le sel de ce titre, plus que les énigmes assez peu complexes.
Les doublages anglais sont réalisés avec conviction sans trop en faire et comme évoqué plus haut ils sont désormais sous-titrés en français, ce qui aide considérablement à la compréhension et à l’immersion. Cette remasterisation se justifie par une résolution désormais en Full HD, des animations retravaillées, des textures plus fines – notamment sur les chevelures – et des éclairages plus réalistes. Malgré tout la réalisation de 2014 déjà très « petit budget » n’est guère plus étincelante quatre années plus tard et fait pâle figure face à des productions concurrentes comme les Sherlock Holmes par exemple. De plus, les déplacements dans les environnements 3D sont parfois délicats, soit à cause d'un angle de caméra fixe non optimal, soit à cause d'un blocage sur un mur invisible. On a connu plus intuitif, d'autant que notre policier nonchalant n'a pas l'intention de courir pour se rendre d'un point à l'autre mais seulement de marcher à son rythme. Ne comptez pas sur la présence d'une carte pour vous téléporter au sein du niveau, il faut y aller à pied même quand les personnages sont éloignés de plusieurs tableaux entre eux. Le rythme du jeu est assez mou – comme c'est souvent le cas dans le genre – si bien qu'on a le temps d'entendre les musiques symphoniques passer en boucle plusieurs fois à chaque chapitre. A réécouter à loisir dans le menu bonus, aux côtés des esquisses, des dessins et des modèles 3D. Point d'humour ni de second degré non plus, nous sommes en face d'une bonne vieille enquête à base de larcin, de meurtre et de trahison. C'est du sérieux.
sophocle
Vincent