L’invitation au rêve…
Sorti en 1999 sur PC, le point’n’click The Longest Journey et sa suite Dreamfall de 2006 ont laissé de bons souvenirs aux joueurs, si bien que le Kickstarter de sa seconde suite a remporté un franc succès avec plus d’un million et demi de dollars de dons. Les joueurs sur consoles ne connaissent pas forcément cette série (surtout sur PlayStation), ce qui explique pourquoi l’onglet bonus du menu principal contient un bref synopsis vidéo en anglais non sous-titré en complément d’une bibliothèque de personnages, de scènes coupées et de concept arts. En gros, le joueur incarne Zoé Castillo, une jeune fille qui a découvert que la société WATICorp installait des machines à rêves dans le monde pour mieux contrôler les populations. Ces sortes de casques de réalité virtuelle permettent à leurs porteurs de « vivre » leurs rêves au point d’en devenir esclaves. En dénonçant le complot notre héroïne s’est mise à dos sa famille, ses amis et se retrouve plongée dans le coma par sa propre mère qui est, comble de l’ironie, à l’origine de cette machination.
L’aventure débute dans le subconscient de la demoiselle alors que son corps physique est allongé dans un état végétatif sur un lit d’hôpital de Casablanca. Elle navigue dans le « monde des histoires » et officie en tant que « rêveuse », un guide pouvant sortir les gens de leurs cauchemars. A la suite d’une rencontre clé dans cet univers éthéré baigné par une aurore boréale, elle parvient à reprendre ses esprits et se réveille dans un futur alternatif au style cyberpunk. À peu près au même moment, nous faisons la connaissance de Kian Alvane, un condamné à mort évoluant dans un monde moyenâgeux teinté d’héroïc-fantasy et dont le destin est intimement lié à l’avenir de notre monde. Les deux protagonistes évoluent chacun à leur époque mais les décisions prises par les joueurs ont des répercussions sur la suite de l’aventure. A la manière d’une production Telltale, une inscription à l’écran indique que ces choix auront des conséquences sur le déroulement du scénario, même si la plupart sont à peine perceptibles. Si vous hésitez dans votre choix, le bouton Triangle affiche les décisions prises par les autres joueurs histoire de vous influencer.
Du point’n’click traditionnel du volet original nous sommes passé à une aventure narrative pleine de cut-scenes, de dialogues à réponses multiples, de décisions à prendre et de délires métaphysiques et ésotériques. Quand on parvient à prendre nos héros en main, c’est pour mieux observer les lieux, dialoguer avec des figurants peu bavards et résoudre une pelletée d’énigmes. Une pression sur la direction haute de la croix nous amène à l’inventaire à partir duquel on peut combiner des objets pour les utiliser in-game. Les passages de réflexion ne demandent pas de niveau intellectuel supérieur étant donné qu’ils consistent juste à combiner des choses parfois sans rapport évident entre elles. On se demande trop souvent quoi faire ou comment y parvenir alors on tâtonne, on essaye des combinaisons au hasard ou on se dirige vers une soluce. Les objectifs manquent de clarté et sans « journal de quête » on est tout simplement perdu en ville à faire des allers-retours en attendant de tomber sur l’élément déclencheur qui va tout débloquer. Il faut dire que le système de souris automatique qui place le curseur directement sur l’objet interactif le plus proche de nous n’est pas des plus pratiques et nous empêche de cliquer sur ce qu’on veut. Lorsqu’une interaction est possible, une roue de sélection s’ouvre pour nous donner des choix : observer ou prendre pour tous, éclairer / lire dans les pensées / ralentir le temps dans la peau de Zoé dans le monde des histoires. Une méthode ergonomique et accessible via un système d’icônes.
….vire au cauchemar !
Puisque le gameplay s’avère beaucoup plus simple (plus moderne ?) que les précédents volets au risque de dégoûter les fans de la première heure, les développeurs de Dreamfall : Chapters ont certainement dû consacrer le gros de leur énergie au scénario, à la mise en scène et à la narration me direz-vous. Autant mettre les pieds dans le plat : si vous n’avez jamais parcouru l’un des jeux précédents et plus particulièrement Dreamfall, ce jeu ne présente absolument aucun intérêt pour vous tant vous nagerez dans un marasme d’incompréhension. L’histoire est alambiquée, confuse et franchement déroutante pour le touriste qui débarque par hasard. Entre la magie, la science, le subconscient des héros, les différents mondes, les rebondissements artificiels imposés par le format épisodique et les personnages au look d’extraterrestre de Mass Effect, il y a quoi en perdre son latin. Logique qu’un troisième opus fasse référence aux précédents mais comme celui-ci constitue une suite directe vous passerez largement à côté du plaisir de la retrouvaille et la continuité sans l’expérience nécessaire. Et sans implication, autant passer à autre chose que de s’acharner sur la vingtaine d’heures de jeu que représentent les cinq épisodes et les treize chapitres de cette galette consoles.
Outre l’intrigue destinée uniquement aux fanatiques de science-fiction et aux personnes ouvertes d’esprit, la mise en scène du jeu n’aide pas non plus à être à l’aise. Les expressions faciales se limitent aux mouvements des lèvres inférieures et aux clignements des yeux, les regards manquent de vie, les animations sont rigides malgré les rénovations censées être opérées sur cette mouture, et les textures sont juste dignes d’un bon jeu PlayStation 3. Le premier épisode date de 2014, certes, mais cette version ultime devait améliorer les graphismes (modèles, éclairages, effets spéciaux) et animations, ce qui est loin d’être évident. On se rattrapera sur les doublages anglais (et allemands) tout à fait convenables, et sur les 48 pistes de la bande son, certes passe-partout mais fournies généreusement à l’achat du titre. C’est toujours ça de pris.
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