WonderBra
Avant de décortiquer dans tous les sens ce nouveau jeu, il convient de revenir quelques instants sur cette série culte des années 80 débutée en salles d'arcade. Il s'agit d'une licence de six jeux surtout connue par les possesseurs de Master System et Game Gear dont le dernier épisode canonique s'appelle Monster Boy IV (et non plus Wonder). Les nostalgiques peuvent se frotter à Wonder Boy in Monster Land, Wonder Boy in Monster World et Monster World IV sur le PlayStation Store à prix modique pour parfaire leur culture. Si vous suivez de près l'actualité vidéoludique, vous avez sans doute remarqué que FDG Entertainment travaille actuellement sur Monster Boy and the Cursed Kingdom, une suite spirituelle à cette saga à ne pas confondre avec le jeu qui nous intéresse aujourd'hui et qui est, lui, un remake du troisième opus de la série Wonder Boy. Cette précision apportée, revenons à nos moutons.
L'introduction façon film muet place le contexte scénaristique de ce volet. Le joueur peut choisir d'incarner un Wonder Boy téméraire ou une Wonder Girl courageuse dans sa traque du Meka-Dragon, un vilain dragon mécanique planqué dans le donjon d'un château fort. Alors qu'il (ou elle) arrive à terrasser son ennemi, celui-ci lui jette un sort dans son dernier souffle. Vous vous retrouvez alors avec l'apparence d'un lézard, vous qui étiez auparavant un classieux chevalier en armure. Pour lever la malédiction vous devrez mettre la main sur la Croix de Salamandre et occire cinq autres sauriens pour y parvenir (une momie, un pirate, un zombie...). Le hic, c'est que chacun lancera à son tour un sortilège vous transformant en un autre animal : une souris, un piranha, un lion ou encore un faucon. Faisons preuve d'optimisme et exploitons les caractéristiques de chaque métamorphose pour explorer de nouvelles zones du Monster Land et découvrir leurs secrets enfouis.
En substance, WonderBoy est un jeu de plateforme / action dont la série Shantae se pose en héritier récent. Vous commencez votre périple dans un village, taillez le bout de gras avec un boutiquier porcin pour lui acheter de nouvelles armes, boucliers et armures parmi une dizaine (qui améliorent votre force de frappe et votre défense) à l'aide de pièces échappées des corps de vos victimes, et sympathisez avec une charmante infirmière capable de restaurer votre santé contre quelques deniers. Ensuite vous êtes libre de franchir les portes des bâtisses et d'emprunter les chemins auxquels vous avez accès sous votre forme actuelle jusqu'à leurs limites, en terrassant aux passages les créatures qui veulent votre peau. A l'instar d'un Zelda, la barre de vie est symbolisée par des cœurs en haut à gauche de l'écran dont le nombre croîtra durant l'aventure en en trouvant de nouveaux dans des coffres au trésor. Selon le mode de difficulté sélectionné en début de partie (facile, normal, difficile), ces organes sont plus ou moins grignotés par vos contacts avec les ennemis et leurs projectiles. En bon jeu rétro, The Dragon's Trap reprend le système du « un contact = un dégât » lorsque vous rentrez en collision avec autrui alors que vous, vous devez asséner un coup d'épée aux monstres pour les affaiblir. Problèmes : la portée de votre coup est ridicule et vous ne pouvez pas faire des dégâts durant le laps de temps où vous reprenez vos esprits après un coup (quand vous clignotez et êtes temporairement invincible). Attendez-vous à dérouiller et à mourir plus souvent qu'à votre tour à cause d'ennemis nombreux et virulents dont certains nécessitent obligatoirement un consommable (flèche, tornade, boule de feu, éclair, boomerang) pour être atteints. L'inertie lors des sauts n'aide pas non plus à tenir en place sur les plateformes.
It’s a (dragon) trap !
La grande difficulté du titre et sa construction anachronique sont sans doute ses deux seuls défauts mais pas des moindres. Outre les soucis de collision et de portée évoqués plus haut, le jeu est totalement dépourvu de checkpoints et de « continue » autres que des fioles de vie prises automatiquement quand les cœurs sont vidés. De fait, si vous mourez lors d'un affrontement contre un boss vous recommencerez votre partie au village et devez refaire tout le chemin pour l'atteindre. Les armes, pièces et cœurs acquis en amont sont conservés, mais le parcours doit être refait entièrement, ce qui pourra en décourager plus d'un d'autant que les ennemis de base reprennent leur position à chaque écran, comme si rien ne s'était passé. En l'absence de carte des lieux mieux vaut avoir une bonne mémoire pour s'y retrouver. Et ne comptez pas non plus sur une téléportation miracle au village-hub pour revenir sur vos pas si vous vous êtes égarés, il faut tout refaire à pied (ou mourir volontairement). La construction des niveaux est aussi une sacrée traîtresse et ce qui s’apparenterait à une fosse mortelle dans un autre jeu peut être ici la suite logique du level. En véritable petit labyrinthe, ce monde cherche constamment à brouiller nos repères en plaçant par exemple des panneaux pour indiquer une direction alors qu'aller à l'opposé est tout aussi intéressant. Comprenez tout de même que ce qui est pointé du doigt comme des défauts aujourd'hui était la norme en matière de jeu vidéo il y a 28 ans, et qu'en sa qualité de remake le jeu tient à respecter les traditions même si elles sont en décalage avec les attentes des joueurs modernes habitués depuis 15 ans aux checkpoints et à l'autoheal.
En matière d'hommage, force est de constater que Lizardcube a réalisé un travail d'orfèvre sur les décors, les sprites et les animations redessinées à la main ainsi que sur toute une bande-son réorchestrée (musiques et bruitages). Il suffit de presser le bouton R2 et ainsi de revenir au jeu d'origine pour se rendre compte du travail de titan effectué sur les graphismes et les animations, plus proches d'une bande dessinée que de la bouillie de pixels initiale. Bruitages et musiques d'époque peuvent également être invoqués à tout moment pour comprendre que le jeu vidéo n'était pas forcément mieux avant, en tout cas pas pour nos oreilles. Et pour une vingtaine d'euros, ayez l'assurance d'être occupé pendant au minimum cinq heures et bien plus si vous avez du mal à apprivoiser ce gameplay à l'ancienne qui semble davantage destiné aux nostalgiques d'une époque désormais révolue (celle des cheat codes !) qu'aux enfants des années 2000.
Sephi
https://www.limitedrungames.com/