Test KONA

Publié le par Vincent
PS4

Allez savoir pourquoi, lors de l'annonce de la sortie du jeu Kona sur PlayStation 4 nous l'avions rapidement rangé dans la catégorie des jeux d'horreur en vue intérieure vaguement interactifs proposant quelques sursauts bien sentis comme Outlast, Layer of Fears, Amnesia ou Dead Light. Sans doute que le Québec enneigé des années 70 nous a fait penser à Until Dawn et ses teenagers traqués par un tueur en série au point de rapprocher les deux genres. En réalité, le jeu du studio Parabole lorgne plus du côté de l'aventure / enquête avec un penchant prononcé pour la survie. Explications.

Sous-titres obligatoires

L'histoire de Kona prend place dans le Nord de l'amicale province du Québec en 1970, dans les pattes d'eph de Carl Faubert, un détective privé employé par un riche industriel pour résoudre un problème de vandalisme touchant une de ses propriétés. En effet, le manoir de chasse de William Hamilton semble victime de dégradations et de vols commis par la population locale, sans doute pour protester contre la mainmise de l'anglais sur l'exploitation minière de leurs terres sacrées. A peine a-t-il pris le chemin du lac Atâmipêk qu'il évite de justesse un violent accident de voiture. A son réveil, la région est plongée sous un blizzard glacial mettant sa vie en danger, tout comme les meutes de loups qui rodent. Ce manteau de glace ne cacherait-il pas des événements surnaturels ? Vous le découvrirez bien assez tôt.

Comme beaucoup d'autres acteurs du jeu vidéo, le studio indépendant Parabole est québécois. Mais contrairement à d'autres titres impersonnels du milieu, celui-ci ne renie pas ses origines et sent bon le caribou. Le fait de placer l'action sur leurs terres permet aux développeurs de nous dépayser par sa nature aussi belle que dangereuse en hiver, et surtout par ses inimitables expressions en français dans le texte. Kona est doublé en français, pardon, en québécois devrions-nous dire tant il est par moment incompréhensible sans les sous-titres. Entre cet accent délicieux et ses dictons imagés, on a parfois l'impression d'être devant le film Starbuck pour ne citer que lui. Les sous-titres sont vivement conseillés, même s'ils ne servent pas de traduction pour certaines maximes inaudibles pour nous-autres les gaulois (les citations du Père Rosaire par exemple). Le doublage est un vrai plus pour l'immersion, d'autant que les interventions d'un narrateur omniscient sont très régulières. Puits de culture et historien émérite, le narrateur nous accompagne de ses commentaires durant toute l'histoire tel un Rod Serling au début d'un épisode de la Quatrième Dimension. Il suit notre enquête mieux que notre journal intime et indique avec subtilité si nous avons oublié un élément important au moment de quitter un lieu. Carl, lui, est muet, mais ses réflexions personnelles s'impriment sur les décors lorsqu'il observe quelque chose de notable. Souvent des pics d'ironie ou de second degré d'ailleurs.


La voix-off a beau être à nos côtés, c'est seul que Carl doit survivre dans cette folie blanche. Habillé comme au printemps, il devra d'abord trouver de quoi se réchauffer : allumettes, allume-feu, bûche et la barre dédiée remonte progressivement. A l'instar d'un jeu de survie style Don't Starve, notre fin limier doit garder un œil sur sa jauge de santé, sur celle de chaleur, sur sa barre de stress (qui influe sur sa précision au tir et la durée des courses) et sur le contenu de ses poches. Le type a des tendances cleptomanes et aime chiper ce qui se présente à lui : des consommables (rations, boissons, kits de soin, cigarettes...), des indices pour son enquête, des armes (pistolets, haches, pieds de biche, marteaux...) et des objets de quête, mais ses capacités de stockage sont limitées. Les choses les plus utiles peuvent être placées sur les directions de la croix en tant que raccourcis, les moins utiles peuvent être jetées pour s'alléger. Le coffre de sa voiture peut aussi lui permettre de se décharger un peu en y déposant le superflu. Voiture qui sert également à parcourir la carte de ce vaste monde ouvert en toute sécurité / rapidité. Des murs invisibles, le narrateur, le froid et les loups servent de toute façon de garde-fou à pied alors mieux vaut rouler.

Dans ma Chevloret (pun intended)

Le but du jeu sera dans un premier temps de s’approprier les lieux en visitant librement toutes les habitations et cabanes visibles sur la carte, de piller ce qu'on peut, de dialoguer avec les rares âmes croisées et de récupérer des preuves pour notre enquête. Certains habitants peuvent nous proposer des quêtes secondaires, généralement des objets à leur apporter en échange d'un autre, pour mieux nous protéger (une doudoune), mieux nous déplacer (une motoneige) et mieux nous défendre (un fusil de chasse). Rien de très compliqué dans l'ensemble – grâce aux interventions du narrateur et aux détails sur le journal de quête d'enquêteur – à condition d'aimer les allers-retours et d'avoir une assez bonne mémoire pour se souvenir de l'emplacement de lieux clés. La course de notre bonhomme étant limitée, les déplacements dans la poudreuse peuvent paraître lourdingues, tout comme le maniement de la voiture en pleine tempête de neige. Le rendu est visuellement excellent avec les arbres qui bougent au gré du vent, mais du point de vue du gameplay soyons honnêtes : on n'y voit rien !

A mesure de notre progression l'histoire glisse subtilement vers le paranormal, notamment en étant pris de visions d'événements passés comme on en trouvait dans Everybody's Gone to the Rapture. A des endroits précis, nous revivons des tranches de vie des habitants et comprenons ainsi qu'un mal mystérieux puisant dans le folklore canadien s'abat sur le village. Le titre prend alors des allures de conte fantastique plutôt réussi, la pression monte progressivement en découvrant les réactions flippées des citoyens ayant fui d'urgence leurs maisons. Certaines notes griffonnées ou un dessin d'enfant désignant un monstre dans les bois font froid dans le dos, surtout quand la nuit vient à tomber. Armé d'une lampe torche ou d'une lanterne, on avance dans la pénombre avec prudence de peur de tomber sur le Slenderman ou un Wendigo… Efficace.

Avant d'en arriver là il faudra toutefois prendre son mal en patience en raison d'un rythme lent et posé comme dans un jeu d'aventure à l'ancienne et loin du pilotage automatique des productions Telltale par exemple. On prend / perd son temps à flâner, à gambader un peu partout, à ouvrir chaque tiroir, à lire chaque note, à récupérer chaque rouleau de scotch, prendre des photos comme si c'était d'une importance capitale. Du coup, on peut facilement prendre six - sept heures à boucler le jeu en ayant parfois perdu un tiers de sa soirée juste à explorer. Notre rêve d'évasion est néanmoins régulièrement brisé par des temps de chargement in-game imprévisibles qui cassent l'immersion comme il faut, et des chutes de frame rate régulières. Avec la puissance de nos machines et la technique actuelle, le studio aurait sans doute pu streamer l'ensemble pour plus de fluidité, d'autant que les graphismes usent parfois de textures simples et peu détaillées. La musique atmosphérique met bien dans l'ambiance, la prise en main est aisée avec des menus circulaires et des icônes explicites affichées à l'écran. Reste une interrogation sur le prix final de l'expérience narrative, Kona étant vendu à 19,99€ comme le premier épisode d'une série de quatre jeux. On attend de voir la suite.

Notre verdict

On aime

  • Le sentiment de liberté
  • Le doublage québécois
  • La présence du narrateur
  • L’aspect survie, léger et réaliste
  • L’ambiance qui monte progressivement

On n'aime pas

  • Des micro-chargements intempestifs
  • Des chutes de frame-rate
  • Les allers-retours lourdingues
  • Quelques textures un peu simples
  • Le rythme (très) lent peut déplaire
  • Le héros maladroit avec les armes

Mêlant avec habileté la narration immersive et l’investigation d’un jeu d’aventure aux pratiques de la survie des titres modernes, Kona saupoudre ce brassage des genres d’une pointe de mystère pour donner plus de saveur à l’ensemble. Le résultat est tout à fait digeste à condition d’aimer prendre son temps et de supporter d'être cassé dans son rythme par la présence de chargements réguliers et de chutes de frame rate. Un peu faible techniquement, le titre de Parabole Studio a le mérite de proposer plus de liberté et de profondeur que les autres simulateurs de marche auxquels on est tenté de le comparer. Le doublage français avec accent québécois véritable est un plus non négligeable.

Note finale : 7 / 10
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