« Pensez aux enfants ! » (Helen Lovejoy)
L’histoire de 2Dark est celle de M. Smith (aux faux-airs de Raynal d’ailleurs), un flic parmi tant d'autres qui profite d'un week-end bien mérité pour aller camper en forêt avec sa famille. Alors que sa femme prend les deux gosses avec elle pour aller chercher du bois pour le feu, notre bon patriarche en profite pour terminer le montage des tentes. [NDLR : En 1969 on ne se contentait pas de lancer une Quechua en l'air, il fallait en baver pour dormir sous la toile]. L'assemblage est alors interrompu par des cris provenant des bois, ceux de ses mouflets. A peine a-t-il le temps de s'agenouiller sur le cadavre ensanglanté de sa femme qu'il se met à courir après une camionnette qui embarque son fils et sa fille. Sept années plus tard, notre flic devenu une épave a rendu son insigne mais continue de traquer les tueurs d'enfants avec une obsession maladive dans l'espoir de retrouver les siens.
Alors que dans la vraie vie les enlèvements d'enfants sont heureusement « rares », dans la bonne ville de Gloomywood les mômes disparaissent régulièrement par paquets de dix sans trop inquiéter les dirigeants locaux. Face à l'incompétence de la police notre détective en imper va suivre lui-même les indices et remonter les pistes une à une pour délivrer les petites victimes. Votre objectif sera de trouver, protéger et faire sortir les enfants de leurs lieux de détention. Le sujet, gravissime et mature, est rarement traité dans le jeu vidéo puisque tout ce qui touche aux kidnappings, aux sévices et à la mort des mineurs est généralement autocensuré par les développeurs et les éditeurs pour ne pas troubler l'audience. Ici rien n'est épargné, on peut retrouver des kids dans des cages à attendre la sanction de leur bourreau. On comprend alors la classification 18+, même si la représentation graphique aussi atypique que désuète désamorce pas mal l'onde de choc visuelle. La vue du dessus à la Metal Gear et les personnages abusivement pixélisés lorgnent plus de côté de la ClayMotion (une stop motion réalisée en pâte à modeler) que du photoréalisme. La sensation de peur est également amoindrie par cet habillage cartoon plus en relation avec le Swagman de la PSone que le Resident Evil.
Une certaine pression est néanmoins palpable en raison d’une difficulté spectaculaire poussant à la prudence. 2Dark est avant tout un jeu d’infiltration dans lequel nous devons nous faufiler dans la gueule du loup pour lui retirer son quatre heures. Ainsi il convient de faire attention aux sons que nous produisons (on peut marcher discrètement avec L2 pour limiter l'impact des pas), à la lumière générée par notre lampe et au champ de vision des ennemis qui effectuent des rondes pour ne pas se faire griller. Si jamais c'est le cas, vous pourrez tenter d'affronter votre ennemi ou fuir comme un lâche le temps que l'intelligence artificielle se remette en sommeil. La seconde solution est sans doute la meilleure puisque les combats au corps à corps sont hasardeux (la portée est ridicule) et la visée des armes à feu imprécise. Et comme notre type est incapable de courir, le mieux reste encore de se la jouer discret du début à la fin en surinant dans le dos les pervers (un code couleur passe au jaune quand on peut poinçonner discrètement).
2Dur
En plus de virer du bleu au rouge quand on est visible, l'inventaire affiché à gauche de l'écran permet de récupérer une large panoplie d'objets : de quoi s'éclairer, se défendre, avancer dans les espaces clos (des clés et badges d'accès), enquêter et attirer les gosses. A croire qu'ils n'ont pas retenu la leçon de leur premier enlèvement, les bambins suivent n'importe quel type louche couvert de sang (nous en l’occurrence) sous prétexte qu'il leur tend un bonbon. Une commande « suivez-moi » et direction la sortie. Une autre, « chut », stoppe leur avancée mais sans garantie que ces derniers ne chouineront pas à force de rester trop longtemps sans rien faire dans le noir. Les bombecs servent aussi à déclencher des leviers à distance, à faire du bruit pour faire diversion et à inciter les enfants à presser le pas. Quand vous avez sauvé suffisamment de jeunes âmes et choppé assez d'indices, vous pouvez rentrer au bercail quitte à revenir plus tard sur vos pas dans le mode Défis pour faire du scoring en étant plus discret ou moins violent.
En bon die & retry, 2Dark demande de s'y reprendre à plusieurs fois pour explorer les lieux, dénicher les mômes et récupérer des indices sur votre prochaine destination. Les tanières des tueurs en série sont souvent bourrées de pièges (voir le film The Collection) extrêmement difficiles à repérer la première fois en raison de l'obscurité permanente qui règne autour de nous. Même avec un briquet, une lanterne, une bougie ou une lampe de poche à la main, on ne distingue pas bien les pics ou les fossés qui attendent notre faux pas pour nous jeter un Game Over au visage. Pas grave, il suffira de charger sa sauvegarde rapide me direz-vous. Eh bien non, le jeu un tantinet old school ne cède pas aux sirènes des checkpoints mais revient à la sauvegarde manuelle sous la forme d'une cigarette à griller. Comme le tabac est mauvais pour la santé, chaque cancerette consommée réduit un peu plus votre barre de vie, vous rendant encore plus repérable si vous toussez et plus vulnérable face aux psychopathes.
Frustrant, rageant, le jeu l'est souvent à force de morts aussi injustes que répétées et à chaque bonne idée qu'il a, une moins bonne l'affaiblit. Par exemple, Smith récupère automatiquement des objets en marchant dessus et repère les éléments importants avec un point d'exclamation, mais il est incapable de recharger son flingue tout seul. Il actionne les leviers en avançant contre eux, mais il lui est impossible d'utiliser une clé de son inventaire s'il ne l'a pas dans sa main à ce moment-là. Nos poches sont infiniment plus profondes que celles de Chris Redfield mais, entre deux missions, notre gars les vide totalement et retourne au combat avec le minimum alors que garder un pied-de-biche ou des piles pourrait lui sauver la vie plus tard. Autant de petits détails qui laissent une impression mitigée, tout comme cette histoire bien documentée en coupures de presse mais qui ne décolle jamais vraiment et qui fait pschitt une fois l'aventure de six niveaux bouclée en quatre heures. L'ambiance sonore a beau être travaillée, les décors glauques à souhait (parc d'attraction abandonné, hôpital miteux, immeuble de bureau de nuit…) et la violence très graphique, nous sommes loin de faire des cauchemars.
Pouet
Vincent
Et l'édition collector vaut son prix...et se revend, elle.
Steve
Dommage de voir qu'au final le jeu ne confirme pas les bonnes impressions de départ. Surtout en ce qui concerne la durée de vie, signe que l'expérience de jeu ne doit pas beaucoup se renouveler d'un niveau à l'autre...
Vincent